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"Les Ancres dans le ciel"  Rémi Brague

Le Point - Publié le 21/04/2011
Peut-on légitimement donner la vie à des êtres qui n'ont rien demandé ? Pour Rémi Brague, docteur en philosophie, qui publie "Les ancres dans le ciel" (Seuil), seule la métaphysique peut répondre à cette question qui engage la survie de l'humanité.

Propos recueillis par ROGER-POL DROIT
À la une du Point.fr



Dans l'université, c'est un professeur éminent. Normalien, agrégé, ce docteur en philosophie, après le grec et le latin, s'est mis à l'hébreu et à l'arabe - histoire de comprendre les sources et les textes médiévaux. Il a enseigné fréquemment aux États-Unis, mais aussi en Allemagne, en Suisse, en Italie. En outre, à ce membre de l'Institut, ce ne sont pas les honneurs qui font défaut, de la médaille de bronze du CNRS au Grand Prix de philosophie de l'Académie française. Toutefois, Rémi Brague, bien connu dans le monde académique, l'est peu du grand public. À côté de ses travaux de recherche, certains de ses essais, largement traduits, lui ont certes valu de multiples lecteurs, notamment Europe, la voie romaine, plusieurs fois réédité, La loi de Dieu ou encore Du Dieu des chrétiens. Et d'un ou deux autres. Il n'en reste pas moins un philosophe discret plutôt qu'un penseur sous les feux de la rampe. Il se pourrait que cette situation change avec la publication de ce court volume intitulé Les ancres dans le ciel. En quelques dizaines de pages, aussi limpides que provocantes, Rémi Brague propose en effet une défense et illustration de la métaphysique qui la fait sortir des placards. Le terme "métaphysique" ne nous parle plus guère. Il désignait autrefois la "philosophie première", celle où se décidait l'essentiel. Laminé par la modernité, il a déserté la théorie pour se réfugier dans l'expérience. Ce que veut montrer Rémi Brague, c'est combien la métaphysique demeure cruciale et vitale. Sans elle, n'hésite-t-il pas à dire, l'humanité pourrait bien disparaître, faute de motif suffisant pour se perpétuer. Reste à savoir comment il argumente cette étonnante affirmation. En voici un aperçu.

Le Point : Commençons par la fin. Le résultat de cet essai est fort surprenant. En schématisant, il revient à faire de la métaphysique la condition même de la survie de l'humanité, rien de moins...

Rémi Brague : Rien de moins, effectivement. Mais ce qui me surprend, aujourd'hui, est au contraire qu'on ait prêté si peu d'attention à cette question de la survie de l'humanité. De quel droit pouvons-nous préférer que l'aventure humaine continue plutôt qu'elle ne s'arrête ? Voilà une interrogation finalement banale, et même extrêmement simple, d'une certaine façon. Pourtant personne ne s'y est vraiment confronté au cours des dernières générations. En 1819, Schopenhauer avait posé cette question. Depuis, elle n'a pas vraiment reçu de réponse. Il est vrai qu'entre-temps nous avons été distraits par quelques génocides, guerres mondiales et autres espiègleries...

Il y a malgré tout des penseurs qui se sont demandé "pourquoi vivre ?". Je pense à Camus, faisant du suicide la première interrogation à résoudre, ou encore à Cioran, qui insiste sur "l'inconvénient d'être né". Vous refusez de les prendre en compte ?

Ce n'est pas une affaire de refus ou d'acceptation. Leur question n'est pas la même que celle que je tente de poser. En effet, si l'on demande, comme Camus, "la vie vaut-elle la peine d'être vécue ?", il n'est pas utile de mobiliser un grand arsenal théorique. Nous sommes en vie, donc déjà embarqués. Au lieu de sauter par-dessus bord, on va continuer. Le problème est différent lorsqu'il s'agit de savoir s'il est légitime de continuer non pas notre vie en tant qu'individu, mais de prolonger la vie de l'espèce dont nous faisons partie. Pour cela, il n'y a qu'un seul moyen : avoir des enfants.

C'est un impératif ? Un devoir moral ?

Mais non, et c'est bien le paradoxe : cette question de la valeur qu'on donne à la vie est en quelque sorte antérieure à la morale, elle est plus radicale, plus fondamentale. Retrouvons l'exemple du bateau. Quand on doit vivre ensemble un certain temps dans un espace confiné, il est tout à fait utile de trouver des règles de coexistence. Voilà, en très gros, ce qui correspondrait à la morale : organiser la vie entre les membres de l'équipage. Mais cela ne nous donne aucune réponse à la question de la légitimité de l'existence de l'équipage. Au nom de quoi faut-il qu'il se perpétue ?

Il faut vraiment trouver une réponse ?

Je crois bien qu'il n'y a pas d'autre issue, depuis que le projet moderne a réussi à mettre l'existence de l'homme entre ses propres mains. Nous pouvons désormais décider de façon autonome. Du coup, si nous n'avons pas de réponse à cette question, alors l'existence de l'espèce humaine perd sa légitimité. D'un point de vue purement économique, on pourrait remarquer, car il vaut mieux en rire, combien le suicide est beaucoup plus avantageux que quoi que ce soit d'autre. Au lieu de suer sang et eau pour se transformer soi-même, au propre avec du bodybuilding, ou au figuré en améliorant un tant soit peu son niveau moral, on peut, grâce au suicide, avec des ingrédients peu coûteux, obtenir très vite une transformation radicale et irréversible ! Plus sérieusement, dans le même ordre d'idées, bien que sur un autre registre, collectif celui-ci, certains écologistes radicaux prêchent pour une extinction volontaire de l'espèce humaine. À leurs yeux, au-dessus de l'humanité existe une Terre sacrée, Gaïa, au nom de laquelle on pourrait demander à une espèce particulièrement prédatrice, la nôtre, de s'éclipser.

Ne pourrait-on pas dire, tout bêtement, que l'on veut prolonger le plaisir que l'on éprouve à exister, qu'on désire le faire connaître à d'autres ?

La question sera alors de savoir si le compte est bon. Peut-on vraiment se livrer à un calcul à solde positif ? Voilà un être que j'ai décidé d'appeler à la vie. Il pourra voir le Grand Canyon, écouter du Bach, lire Proust ou Homère. Mais rien ne peut assurer que ses malheurs ne l'emportent pas. D'autant que tout cela va mal se finir : en toute hypothèse, il faudra qu'il meure, ce qui n'est peut-être pas très agréable. Du strict point de vue du calcul des plaisirs et des maux, il ne me semble pas que l'on puisse être légitimé à imposer de venir au monde à des personnes qui, par définition, n'ont rien demandé.

Alors, pour que l'humanité survive autrement que par hasard, par habitude ou par négligence, que faut-il donc ?

Eh bien, de la métaphysique, nous y voilà ! Pour pouvoir décider de donner la vie, il faut considérer, comme l'a affirmé la grande tradition classique de la métaphysique occidentale, que l'être équivaut au bien. Ce qui est, en tant que c'est, est bien. Sans cette équation fondamentale, il n'y a pas de moyen de porter un jugement sur la vie en tant que telle. Pour donner la vie, il faut non seulement qu'elle soit un bien, mais un bien tellement grand qu'on puisse l'imposer à des gens qui ne l'ont pas demandé, et à qui on ne peut pas demander leur avis. Or nous n'avons pas à proprement parler le devoir de les appeler à l'existence. Bien sûr, une fois qu'ils sont là, nous avons le devoir de leur rendre la vie la plus agréable et la meilleure possible. Mais, pour leur donner vie, il faut une infrastructure métaphysique.

Vous êtes très radical, sur ce point...

C'est le sujet même qui m'oblige à être radical, c'est-à-dire à essayer d'aller jusqu'à la racine. C'est au niveau de la décision dernière sur l'identité de l'être et du bien que se situe la solution si l'on veut juger de la valeur de la vie. Encore une fois, je ne parle pas d'un jugement sur l'agrément de sa vie personnelle, mais un jugement sur cette vie que je puis donner ou refuser, et qui concerne donc quelqu'un d'autre que moi. Pour y répondre, il faut ce que j'appelle un "ancrage céleste", ou une infrastructure métaphysique. Il n'est pas besoin pour cela de s'appuyer sur une théologie déterminée, il suffit qu'il y ait du "divin" quelque part. Peu importe qu'on le cherche dans la nature, en un style stoïcien, ou dans l'enseignement des religions. Mais la science, de ce point de vue là, nous laisse tomber. Si le ciel est vide, qu'est-ce que voudra dire aimer la vie ? Non pas aimer vivre, aimer ma vie, mais véritablement aimer la vie. Je ne vois pas.

Un humanisme non métaphysique vous paraît donc impossible ?

Pour moi, c'est une formule creuse... Un humanisme sans quelque chose comme une transcendance, ça ne me semble pas sérieux.

"Les ancres dans le ciel" de Rémi Brague (Seuil, 140 p., 16 euros).

http://www.lepoint.fr/culture/au-nom-de-quoi-faut-il-se-perpetuer-21-04-2011-1323373_3.php

http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/26667

Les ancres dans le ciel de Rémi Brague

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie

critiqué par Chene, le 13 mai 2011 (Tours, Inscrit le 8 juillet 2009, 44 ans)

La note:
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La foi ou la mort

Le sous titre du livre de cet éminent professeur peut faire peur « l’infrastructure métaphysique ». Détrompez vous la thèse qu’il développe est fascinante et révolutionnaire.
La métaphysique, dans sa forme populaire la religion n’aurait plus sa place dans nos sociétés modernes. Nombreux sont les philosophes qui ont déconstruit tout ce qui était métaphysique. Notamment parce que la métaphysique n’était pas vérifiable scientifiquement…
Le point d’orgue a été la Révolution Française.
L’athéisme et le nihilisme l’ont achevée. Kant dans « critique de la raison pure ». Nietzsche, Schopenhauer, Cioran etc…
Il fallait mettre dehors les croyances, dire au revoir à tout ce qui pouvait être métaphysique, voire religieux. Libérons l’homme de ces chaînes, rendons le moderne : Le droit, la morale, la politique suffissent à l’homme pour vivre.
Et bien Remi Brague pense que non. Bien plus Rémi Brague pense que l’absence de toute métaphysique chez l’homme, l’absence de toute transcendance amènerait l’extinction de l’humanité.
Tout d’abord, l’homme n’est pas une espèce comme les autres. Il ne vit pas d’instincts comme les plantes ou les animaux. Il a besoin de sens pour vivre. « Le fait de se trouver au monde » « On se trouve dans le monde de façon précaire comme appelé à le quitter avec la mort » A quoi sert il de vivre si il n’y a rien et si la vie n’est pas considérée comme un bien ? « Ais je le droit d’imposer l’existence à autrui ? » Ais je le droit de lui imposer les embêtements de l’existence…
Ainsi pour Rémi Braque, l’espèce humaine risque de disparaître non pas à cause de la destruction de l’environnement, non pas à cause d’un cataclysme nucléaire. Mais tout simplement parce que l’homme, à un moment de son histoire, n’a plus considéré la vie comme un bien et nos sociétés occidentales commencent à montrer le chemin avec le déclin de la natalité. Comme le disait Rousseau « l’athéisme ne tue pas. Il empêche les hommes de naître ».
Si plus personnes ne faisait d’enfants, il faudrait moins de 60 années à l’humanité pour arriver à un point culminant où l’espèce humaine déclinerait pour disparaître totalement de la surface de la terre.
Véritable ou non cette thèse est passionnante. Mais je pense personnellement que même si les hommes ne croient en plus rien, on tombera toujours amoureux et on aura toujours envie de faire des enfants.

http://www.nonfiction.fr/article-4627-a_la_recherche_des_fondements_metaphysiques_des_moeurs.htm

Citation:

À la recherche des fondements métaphysiques des mœurs

Faisant fi du rubricage de la philosophie, Rémi Brague s’intéresse à la connexion de la morale et de la métaphysique, et il la traite sur un cas limite, celui de la continuation de l’espèce humaine : "Ai-je le droit d’imposer l’existence à autrui ?" , "à qui fais-je tort lorsque je refuse d’avoir des enfants ?" , "un être libre choisira d’être libre [...], mais choisirait-il d’être, tout court ?" .

Le constat premier qui fonde ce livre est la "possibilité très concrète de l’autodestruction de l’humanité", que Brague réfère à trois moyens, "la destruction de l’environnement, l’arme atomique, l’extinction démographique", en se réservant d’y ajouter le "dépassement de l’homme par les techniques biologiques" .

Et de déplorer la faiblesse de la réflexion philosophique sur la question démographique, d’une part, et sur le refus de procréer que rend possible la contraception, d’autre part.

Or "la natalité est la condition première de l’action humaine" , et celle-ci dépend de plus en plus de la volonté des êtres humains déjà nés : "Pour que l’humanité continue à exister, il faut que les hommes se fondent sur l’idée, explicite ou implicite, que la vie est un bien. Elle doit être un bien non pas seulement pour ceux qui la donnent, mais tout aussi décidément pour ceux qui la reçoivent" .

C’est là que réapparaît le bien, ce Bien premier de Platon, par quoi l’Être advient. L’extension moderne de la liberté appelle le Bien comme condition de l’existence humaine. Brague renoue ici, par la morale, avec la "convertibilité des transcendantaux", cet enseignement de la métaphysique médiévale qui unit Être, Bien et Vérité.

Avec une pointe d’ironie, Brague inscrit sa réflexion sous le patronage de Kant, qui opéra la révolution de faire "basculer la métaphysique de son domaine traditionnel, qui était en gros cosmologique, dans le domaine des mœurs" . Mais il se détache du maître allemand en enracinant son anthropologie dans la reproduction, comme moment clé de la condition humaine.

Cette démarche qui finit par rejoindre les conclusions de la philosophie ancienne ne signifie nullement que Brague passe outre la critique des trois derniers siècles. Loin d’ignorer les mille oraisons funèbres qui ont été prononcées sur la métaphysique, il les saisit comme un symptôme du pessimisme occidental, pour l’interroger. Cette discussion occupe les deux tiers du livre.

Du nihilisme, Brague demande "de quelle sorte d’être il affirme le néant" ; et de la remise en cause de l’humanisme : "avec quel type d’homme nous propose-t-on de rompre ?" . Pour arriver plus loin à l’aporie de ces doctrines : "Si le nihilisme ne tue pas, fait-il vivre ?", et leur opposer un démenti : "Nous avons absolument besoin de raisons pour donner la vie" .

Brague manie l’esprit brillamment. Son livre est traversé de fulgurances ; j’en cite une pour le plaisir, sur la distinction entre aimer vivre et aimer la vie : "Aimer vivre, aimer être en vie n’est guère sorcier, puisque nous sommes “embarqués” de toute façon. Il suffit donc de se laisser faire. En revanche, aimer la vie, c’est en rigueur de termes l’aimer lorsqu’elle n’est pas la nôtre" .

Revers de cette agilité dans la pensée, Brague est trop souvent elliptique dans ses raisonnements : il brosse quelques prémisses, trace les articulations logiques et file au point suivant, parfois sans avoir seulement explicité sa conclusion. Le fil de la lecture en est alors brisé. Ce livre très court aurait ainsi gagné à être un peu étoffé.
Guillaume DE LACOSTE LAREYMONDIE


Titre du livre : Les ancres dans le ciel
Auteur : Rémi Brague
Éditeur : Seuil
Collection : L'ordre philosophique
Date de publication : 10/03/11
N° ISBN : 9782021029543

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