29 Février 2012

Chine- L'Eglise catholique persécutée en Mongolie Intérieure :

Jordan Pouille - publié le 27/02/2012

Des chrétiens révèlent à La Vie les derniers éléments sur la chasse aux prêtres fidèles au Vatican, actuellement en cours en Mongolie Intérieure. Nous leur avions consacrés un reportage en 2010.

Un autel de fortune dans la maison d'un fidèle de l'Eglise souterraine, à Wang'Ai en Mongolie Intérieure © Jordan Pouille

Le 30 janvier, une vague d’arrestations ébranlait l’Eglise souterraine de Mongolie Intérieure, au Nord de la Chine. Parmi les six prêtres appréhendés par la police en présence d’officiels, figuraient Joseph Ban Zhanxiong et Ma Mumin, ceux-là même qui nous avaient chaleureusement accueillis en vue d’un reportage inédit sur l’église souterraine de Mongolie Intérieure, publié le 29 juillet 2010.

Prenant d’infimes précautions, ils nous avaient ouverts les portes de leur séminaire clandestin et montré leur quotidien de prêtres dans les campagnes pauvres de Jining, à 130 kms de Hohhot, la capitale de Mongolie Intérieure. Les arrestations étaient fréquentes, disaient-ils, mais sans gravité : elles permettaient aux policiers sous-payés de rançonner les chrétiens. A l’époque, Ma Mumin disait en même temps éprouver un sentiment d’abandon de la part du Saint-Siège après que celui-ci ait approuvé l’ordination d’évêques par l’Association patriotique, parmi lesquels Paul Meng Qinglu, à Hohhot, la capitale de Mongolie Intérieure.

L’Eglise chinoise se distingue en effet par une communauté fidèle au Vatican et une autre régie par les autorités religieuses nationales – Conférence des Evêques et Association Patriotique - sous contrôle du Parti communiste. Résultat : des évêques et des prêtres vivent et travaillent dans la clandestinité, à jouer au chat et à la souris avec les autorités locales.

C’est ce qui est arrivé le 30 janvier dernier au nord de la province. Six prêtres y ont fait l’objet d’un véritable guet apens policier. Ils remontaient jusqu’à ErenHot pour s’entretenir avec Wang Zhihua – un prêtre souterrain ayant choisi de rejoindre l’Association Patriotique. Sur place, trente policiers et officiels les ont cueillis. Wang Zhihua dira plus tard sur internet qu’il n’a en aucun cas « balancé » ses camarades aux autorités. Deux tiers de ses fidèles refuseraient désormais d’assister à sa messe. Parmi les six prêtres arrêtés par la police, quatre ont été libérés. Les pères Chu Jianli, Ding Zhanmin, Wang Hu et Zhao Runxi ayant finalement accepté d’assister aux messes données par l’évêque officiel de Hohhot Mgr Paul Meng Qinglu, comme un signe de ralliement à l’Eglise officielle. Insoumis, Ma Mumin et Joseph Ban Zhanxiong n’ont pas été libérés, a rapporté l’agence UCA News, basée à Hong-Kong.

Pour La Vie, des chrétiens de Jining, la paroisse de Ma Mumin, ont affirmé que ce dernier a été transféré vendredi 24 février vers sa province d’origine, le Hebei, qu’il décrivait lui-même comme la plus grande prison de catholiques en Chine avec 44 prêtres derrière les barreaux en 2010, selon ses estimations. "Nous ne savons pas s’il a été libéré ou s’il est encore aux mains des autorités. Il reste injoignable". Il se trouverait actuellement dans la région de Lingshou, près de Shijiazhuang.

Le père Joseph Ban Zhanxiong directeur du séminaire clandestin de Jining, serait toujours retenu dans un hôtel de Hohhot, à suivre des séances intensives de « rééducation », au cours desquels des officiels tentent de le convaincre de rejoindre « leur » Eglise. Niché au fond d’une usine, son séminaire a été fermé le 14 février et les élèves renvoyés chez leurs familles. « Mais le père a accès à la Bible et on le laisse étudier les textes. C’est très important pour lui» nous affirme un croyant.

Pour Gao Jiangping, recteur du diocèse de Jining, arrêté le 31 janvier, la situation est moins optimiste. Il aurait été transféré dans une prison de haute sécurité, réservée aux criminels.

Aujourd’hui, dans les corons de Jining, la discrétion est de mise. Plus question d’organiser le moindre rassemblement dans une salle de prière comme celle que nous avions photographiée en 2010. « Nous prions entre voisins, en petit comité et essentiellement pour espérer leur libération prochaine».