La Prière du Père Jean Debruynne « Quand vous saurez que je suis mort » :

« Quand vous saurez que je suis mort, ce sera un jour ordinaire, peut-être il fera beau dehors, les moineaux ne vont pas se taire.

Rien ne sera vraiment changé : les passants seront de passage, le pain sera bon à manger, le vin versé pour le partage.

La rue ira dans l’autre rue, les affaires iront aux affaires, les journaux frais seront parus et la télé sous somnifères. Suite à l’incident du métro, vous prendrez les correspondances en courant les couloirs au trot, chacun ira tenter sa chance.

Pour moi le spectacle est fini, la pièce était fort bien écrite, le paradis fort bien garni des exclus de la réussite.

Pour moi je sortirai de scène passant par le côté jardin côté Prévert et rue de Seine, côté poète et baladin. Merci des applaudissements, mon rôle m’allait à merveille, moi, je m’en vais, tout simplement, un jour nouveau pour moi s’éveille.

Vous croirez tous que je suis mort quand mes vieux poumons rendront l’âme, moi je vous dis : vous avez tort, c’est du bois mort que naît la flamme.

N’allez donc pas dorénavant me rechercher au cimetière, je suis déjà passé devant, je viens de passer la frontière. Le soleil a son beau chapeau, la Paix a mis sa belle robe, la Justice a changé de peau et Dieu est là dans ses vignobles.

Je suis passé dans l’avenir, ne restez pas dans vos tristesses enfermés dans vos souvenirs, souriez plutôt de tendresse.

Si l’on vous dit que je suis mort, surtout n’allez donc pas le croire : cherchez un vin qui ait du corps et avec vous j’irai le boire… Amen. »

Père Jean Debruynne (1925-2006)