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Lourdes : Marie nous ouvre à l'essentiel
La première année de mon sacerdoce, je venais souvent prier dans l’église de ma paroisse, en banlieue parisienne. Je constatais que les visiteurs n’allaient jamais devant le Saint Sacrement. Ils s’agenouillaient devant une médiocre copie de la statue de Notre-Dame de Lourdes, allumaient un cierge et repartaient.
Je pris un jour une grande feuille de papier et écrivis : « Passez, je vous prie, saluer mon fils. Cela lui fera tellement plaisir ! » Le Saint-Sacrement fut soudain l’objet d’une multitude de visites. Marie n’a qu’un seul désir : nous conduire à Dieu. Je me souvenais de cela lors du pèlerinage montfortain, la semaine dernière, durant lequel j’eus la joie de donner deux conférences à plus de mille personnes.
La première demande de Bernadette à sa visiteuse non identifiée fut : ̶ « Voudriez-vous avoir la bonté d’écrire votre nom ? » ̶ « Ce n’est pas nécessaire », répondit Marie en souriant. On imagine ce que deviendrait cette feuille de papier avec ces mots rédigés par la Reine du Ciel : « Que soy era immaculada Concepciou ». Cette parole écrite de la main de Marie aurait été plus convoitée, plus idolâtrée que le plus gros diamant (3 106 carats)… Marie préférera dire ces mots avec sa voix « claire et douce »…
Ce qui s’est passé à Lourdes il y a à peine un siècle et demi est un événement qui concerne l’humanité entière. Plus de six millions de pèlerins du monde entier passent à la grotte de Massabielle chaque année !... Malades ou bien portants, agnostiques ou croyants, aucun ne peut repartir indemne.
Au-delà des paroles de Marie, il y a de nombreux messages cachés dans l’événement lui-même. Beaucoup de jeunes me répètent : « Pourquoi Dieu ne nous fait-Il pas signe ? » Je leur réponds : « Que faisons-nous avec les signes qu’Il nous offre ? » Que la petite juive de Galilée devenue la mère de Dieu choisisse comme messagère une adolescente de treize ans, asthmatique et illettrée, n’est-ce pas un merveilleux signe ?! « C’est ce qu’il y a de faible que Dieu choisit pour confondre les forts ! », s’enthousiasmait saint Paul. « L’infini est dans l’infime. Le sens se libère pour celui qui le cherche et il est inépuisable. » (Ces propos de France Quéré, théologienne protestante, dans son livre Marie, rejoignent bien l’événement de Lourdes.) Quel message pour nous les humains qui avons un tel souci de notre image ! Je repense à Jean-Paul II à Lourdes, peu avant de mourir, ayant perdu presque toutes ses forces, handicapé parmi les handicapés. Quel témoignage ! Bernadette nomme l’apparition « Celle-là » (et non « cela » comme beaucoup l’ont traduit), « Aquero » en patois local.
Voici une autre révélation précieuse : Marie ne se montre pas comme une « grande personne » mais comme une jeune fille, peut-être telle que l’ange Gabriel l’a vue lors de sa visite à Nazareth. Rien à voir avec la statue célèbre et si peu humaine du sculpteur Fabisch, installée dans la grotte de Lourdes. Bernadette, à qui on présentait les photos des plus belles dames de Lourdes en lui demandant : « Ressemble-t-elle à ces personnes ? », répliquait en riant : « Elles peuvent pas y faire ! » L’adolescente de treize ans éblouie par Marie n’aimait pas du tout cette statue. Dans un couvent de Roumanie, j’ai rencontré une jeune novice qui peignait des icônes. Une beauté presque surnaturelle, indescriptible. Elle aurait été un modèle plus évocateur de « la belle dame » de Bernadette !
La délicatesse de Marie envers Bernadette est un très très grand message. Marie parle à cette adolescente comme nous parlerions à une princesse. Quelle révélation déjà sur le caractère sacré de l’être humain ! « Chacun de nous abrite un Seigneur endormi qu’il importe de libérer de sa gangue » (Saint Exupéry).
Marie va droit à l’essentiel. Ses propos sont brefs. Je les résume : ̶ 18 février : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde mais dans l’autre. » Vérité colossale ! Je frémis en pensant que la moitié des croyants et la totalité des incroyants ignorent cette fabuleuse nouvelle qui change tout. Parfois, c’est pire : « On n’en a pas envie ! » ̶ 24, 25, 27, 28 février : « Pénitence ! », c’est-à-dire conversion. Conversion des pécheurs. Donc le péché existe : Dieu n’aime pas que l’on abîme un homme ni que l’on passe à côté de l’amour. Par la prière, le courant peut s’inverser. « Il y a plus de joie dans le Ciel pour un seul qui se convertit que pour quatre-vingt-dix-neuf qui n’ont pas besoin de conversion. » L’orgueil bloque cette démarche du « retour ». L’humilité ouvre la route. ̶ 25 mars : « Que soy era immaculada Concepciou (Je suis l’immaculée Conception) » Si Marie est exempte du péché originel, c’est que notre humanité ne l’est pas. Si l’humanité est blessée à la racine de son être, les choix de la raison peuvent être aberrants, destructeurs. ̶ Les « ismes » mortifères ne manquent pas : rationalisme, capitalisme, matérialisme, racisme, égoïsme, … Combien de massacres et autres horreurs à leur actif…
En tout cela, Marie fait-elle, à Lourdes, de l’ombre à Jésus, comme certains le craignent ? Elle, si discrète dans les Evangiles et qui n’a que Dieu dans son cœur et sur ses lèvres ! Comme dans son « Magnificat », c’est toujours de Lui qu’il s’agit. « Il comble de biens les affamés… Il élève les humbles… Il renverse les puissants de leurs trônes… »
Je termine ma petite chronique par un hadith de Mohamed, transmis par Abu Huraira et par Qatada : « Nul nouveau-né vient au monde sans une morsure de Satan. La seule exception est celle du fils de Marie et de Marie elle-même. » Il n’y eut pas de serpent dans la grotte de Massabielle, mais une source qui guérit.
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