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Les sept péchés capitaux (8/8)

le péché, est-ce capital ? 1/8

http://www.famillechretienne.fr/foi-chretienne/theologie/les-sept-peches-capitaux-1-8-le-peche-est-ce-capital-33678

ARTICLE | 07/07/2001 | Numéro 1225 | Par Pascal Ide, avec Luc Adrian

 
 

©J.COOLIDGE-GETTYIMAGES

Péchés véniels, péchés mortels, péchés capitaux… On n’en entend plus guère parler, même au catéchisme ! Pourtant, ne font-ils pas souvent la une de l’actualité ? Dans cette série, nous vous proposons d’explorer, tour à tour, les sept péchés capitaux, ces grands vices qui menacent le cœœur de l’homme et mènent le monde. Luttez contre votre péché capital… et vous n’aurez pas perdu votre temps !
La plus belle ruse du Diable est de faire croire qu’il n’existe pas, ou qu’il existe là où il n’est pas. Il aime brouiller les cartes, obscurcir le jeu. Il sait grimer le péché, l’habiller de sainteté, en dissimuler les racines. Le vice est contre la vertu, tout contre parfois, quitte à se laisser confondre. C’est ce que montre l’expérience de la confession : on avoue toujours les mêmes fautes ; et l’on a bien du mal à descendre en soi pour trier le bon grain et l’ivraie. N’est-ce pas désespérant, souvent ?

Et puis, l’Église n’a-t-elle pas tout compliqué ? Péchés véniels, péchés mortels, sept péchés capitaux... On emmêle les interdictions de stationner, les limitations de vitesse, les sens interdits. Comment s’y retrouver ?

Les péchés qu’on voit...

D’accord, il y a des fautes évidentes. Grosso modo, celles qui sont contraires aux Dix Commandements. Difficile de ne pas s’apercevoir qu’on a blasphémé, manqué la messe dominicale, tué, menti, volé, trompé son conjoint, etc. Ces péchés ressemblent à la barbe à papa : ils sont visibles, très séduisants avant d’y goûter, et très décevants après. Surtout, on en ressort poissé, avec un seul désir : se laver.

Encore que, le laxisme ambiant et nos complicités intérieures aidant, l’on puisse aussi s’aveugler avec certains de ces péchés-là : monter dans le train sans ticket même pour « se venger des grèves », c’est voler ; imaginer des aventures avec sa secrétaire, ce n’est pas se détendre en rêvant, c’est déjà être adultère. Etc.

...et ceux qu’on ne voit pas

Mais un péché peut en cacher un autre. Il y a toute la cohorte des péchés que l’on ne voit pas. « L’impie se voit d’un œil trop flatteur pour trouver et haïr sa faute », dit le psaume 35. Dans La Femme pauvre, Léon Bloy a cette juste parole : « Notre décrépitude est si profonde que nous ne savons même pas que nous sommes des idolâtres ».

À la base de chaque péché, il y a une idolâtrie : nous choisissons de prendre pour dieu ce qui ne l’est pas. Et nous nous aveuglons sur cette idolâtrie pour trois raisons principales : parce que les péchés sont passés en nous à l’état d’habitude ; parce qu’ils sont justifiés, ou excusés, ou tolérés, par l’entourage, la société ; parce qu’ils se mêlent à des blessures psychologiques.

Des vices sont à la tête

En fait, on n’a pas attendu la psychologie pour savoir que certains plis de l’âme sont trop habituels, trop autojustifiés, et trop enracinés dans nos psychismes, pour être aisément discernés.

Les Pères du désert, au IVe siècle, recevaient quantité de personnes dans leurs ermitages. Ils ont acquis de cette écoute une profonde connaissance de la nature humaine et ont ainsi observé que les péchés habituels sont en nombre limité. On doit à l’un d’eux, Évagre le Pontique, d’avoir arrêté une liste de huit « pensées » mauvaises, qui prendront plus tard, avec Hugues de Saint-Victor, au Moyen Âge, le nom de « vices capitaux ».

Capital n’est pas mortel

Ne confondons pas, comme trop souvent, péché capital et péché mortel. « Capital » n’a pas ici le sens de grave. La gourmandise fait partie des péchés capitaux, mais est plutôt vénielle de par sa nature.

« Capital » vient de caput, la tête. Une faute capitale est à la tête, à la source d’autres fautes. C’est un péché que l’on commet pour lui-même. L’avare accumule de l’argent pour accumuler. Et ne dit-on pas de la paresse qu’elle est la mère de tous les vices ? En revanche, on ne ment pas pour mentir, mais pour se protéger ou se mettre en valeur.

Il y a des « péchés fils ». Le péché capital, lui, est un « péché mère », un péché originaire.

Pécher, c’est se tromper de bonheur

Après tout, qu’est-ce que pécher ? En hébreu, le mot signifie : manquer son but, se tromper de cible. Quelle cible ? Le bonheur. Pécher, c’est se tromper de bonheur. Ce n’est pas une sorte d’infraction à un code de la route divin, c’est un détournement, un dévoiement. L’homme qui ment lit le panneau indicateur « Mensonge » et traduit volontairement « Bonheur ». La doctrine des péchés capitaux montre les sept voies par lesquels l’homme peut se détourner de son véritable bonheur.

Les péchés capitaux sont capiteux. Ils offrent les valeurs les plus séduisantes, celles qui se rapprochent le plus de notre vrai bonheur : la communion avec Dieu. Ils en détournent d’autant plus efficacement qu’ils lui ressemblent le plus. Les péchés capitaux sont des miroirs aux alouettes, des routes trompe-l’œil, des impasses masquées, des valeurs de substitution, des drogues hallucinogènes. Ce sont les sept idoles de l’âme – puisque le propre de l’idole est de mimer Dieu.

Faire d’un bien fini son idole

« Les vices de l’homme, si pleins d’horreurs qu’on les suppose, contiennent la preuve (quand ce ne serait que leur infinie expansion !) de son goût de l’infini ; seulement c’est un goût qui se trompe souvent de route », écrit le poète Charles Baudelaire, grand observateur de l’homme blessé, dans « Le poème du haschisch » (Les Paradis artificiels). « C’est dans cette dépravation du sens de l’infini que gît, selon moi, la raison de tous les excès coupables. »

Les honneurs, les plaisirs, les richesses, sont des biens réels, des valeurs gratifiantes, mais terrestres. Par sa liberté, l’homme, pour son malheur, est capable d’investir sa vie, de placer son bonheur, dans des biens limités. Le péché consiste à aimer infiniment ces réalités finies, à en faire son absolu, son idole : l’orgueil fait de sa propre excellence son idole ; la luxure fait de même pour les jouissances sexuelles.

S’attaquer à la tête

Quand on s’attaque à un péché capital, on attaque la « tête » de l’hydre, le péché qui bloque notre vie spirituelle. C’est comme démailler un tricot : l’important est de tirer le bon fil, le reste suit.

Un Père du désert confiait s’être battu pendant de longues années contre la colère : « Un jour, dit-il, je m’en suis débarrassé ; alors, étonné, j’ai pu voir combien mes autres défauts avaient régressé ». Jean Cassien, un autre Père de l’Église, donne l’image des gladiateurs qui entrent dans l’arène et affrontent les bêtes fauves : « Après avoir considéré quelles sont les plus remarquables pour leur vigueur ou les plus terribles pour leur férocité, c’est contre elles tout d’abord qu’ils engagent le combat. Lorsqu’ils les ont tuées, ils abattent plus facilement les autres, qui sont moins terribles et moins furieuses ».

« Rien de grand ne se fait sans passion », disait le philosophe allemand Hegel. Les péchés capitaux sont les grandes passions qui mènent le monde, pour son désastre. Comme ils sont devenus des habitudes, il est difficile de les voir à l’œuvre dans nos vies. Nos sept prochains articles les passeront en revue, un par un.

Camarades lecteurs, la lutte continue contre le (péché) capital ! Si la grâce, c’est le pardon, la grâce des grâces, c’est de savoir de quoi on est pardonné.

Le péché, cette « entrée à la grâce »

"Les « honnêtes gens » n’ont point de défauts eux-mêmes dans l’armure. Ils ne sont pas blessés. Leur peau de morale, constamment intacte, leur fait un cuir et une cuirasse sans faute. Ils ne présentent point cette ouverture que fait une affreuse blessure, une inoubliable détresse, un regret invincible, un point de suture éternellement mal joint, une mortelle inquiétude, une invincible arrière-anxiété, une amertume secrète, un effondrement perpétuellement masqué, une cicatrice éternellement mal fermée.

Ils ne présentent pas cette entrée à la grâce qu’est essentiellement le péché. Parce qu’ils ne sont pas blessés, ils ne sont pas vulnérables. Parce qu’ils ne manquent de rien, on ne leur apporte rien [...]. La Charité même de Dieu ne panse point celui qui n’a pas de plaies. C’est parce qu’un homme était par terre que le Samaritain le ramassa. C’est parce que la face de Jésus était sale que Véronique l’essuya d’un mouchoir. Or celui qui n’est pas tombé ne sera pas ramassé ; et celui qui n’est pas sale ne sera pas essuyé."

 

 

In « note conjointe sur M. Descartes », Œuvres en prose 1909-1914, Bibliothèque de la Pléiade, p. 1386

 

 

Charles Péguy

Les sept péchés capitaux (2/8) : l'orgueil

http://www.famillechretienne.fr/foi-chretienne/theologie/les-sept-peches-capitaux-206145/les-sept-peches-capitaux-2-8-l-orgueil-206148

ARTICLE | 14/07/2001 | Numéro 1226 | Par Pascal Ide, avec Luc Adrian

À tout seigneur, tout honneur ? L'orgueil n'est pas seulement un péché capital, c'est le péché capital par excellence. Celui par qui tout mal arrive. Attention, il se cache en vous.

C'est le roi du peloton, le maillot jaune. Il se surnomme amour-propre, fatuité, gloriole, suffisance, vanité, dédain, arrogance, mégalomanie. C'est le capitaine des capitaux. Ce péché de tête roule en tête, fanfaron, mais sait aussi se dissimuler parmi les six équipiers qu'il envoie en échappée : gourmandise, luxure, avarice, jalousie, paresse, colère. Les sept vices mènent la course, entraînant derrière eux les sévices dérivés, des tas de gagne-petit qui tentent de ne pas se laisser distancer et font de la surenchère : lâcheté, médisance, discorde, infidélité, ambition, mensonge, cruauté.

La liste est interminable. Elle s'étire sur toute l'Histoire de l'humanité. Elle se résume en un maître-mot, père de mille traîtres maux : orgueil.

L'orgueil est non seulement un péché capital, mais le péché capital par excellence. Le péché primordial. En effet, «le commencement de tout péché, c'est l'orgueil», affirme l'Ecriture (Si 10, 13). Au fond de tout péché sommeille une secrète préférence de soi. L'orgueil est justement cet amour de soi-même. Mais un amour désordonné.

L'orgueilleux souffre d'un cancer (volontaire) de l'ego. Il place sa personne au centre du monde, au centre de lui-même. Le français utilise aussi le mot «superbe» : il désigne «ce qui se trouve au-dessus». Le superbe se croit supérieur aux autres. Il est arrogant, suffisant, présomptueux. Parfois, sous les atours de l'humilité. Les métastases de l'orgueil se glissent partout.

L'Ecriture n'est pas tendre avec l'orgueil. L'Ancien Testament, et le Nouveau, répètent que «Dieu résiste aux orgueilleux et donne sa grâce aux humbles» (Pr 3, 34 ; Jc 4, 6 ; 1 P 5, 5) Le Seigneur disperse les superbes (Lc 1, 51) et abaisse celui qui s'élève (Mt 23, 12). Jésus fait de l'humilité le cœur de sa première Béatitude : «Bienheureux les pauvres, les humbles de cœur» (Mt 5, 3). Il donne l'exemple en s'abaissant (Ph 2, 6-11) et en se faisant serviteur.

Le péché est dans la démesure. Attention : si l'orgueil est un amour démesuré de soi, c'est que l'amour de soi n'est pas mauvais. Au contraire. Le moi n'est pas haïssable. Se haïr, c'est aussi de l'orgueil. L'estime de soi est une qualité indispensable pour vivre. Devenir adulte, c'est s'affirmer, avoir ses goûts, ses opinions propres, penser par soi-même, décider par soi-même. Combien de personnes se prétendent écrasées par les autres (leur conjoint, leur supérieur, etc.), qui sont d'abord des personnes privées de cette estime d'elles-mêmes qui leur permettrait de refuser ce piétinement.

L'orgueil a son opposé : le manque de souci de sa propre perfection. C'est aussi une faute. «A vouloir trop descendre, écrivait Bernanos, on risque de passer la mesure. Or, en humilité comme en tout, la démesure engendre l'orgueil, et cet orgueil-là est mille fois plus subtil et plus dangereux que celui du monde, qui est le plus souvent qu'une vaine gloriole.»

Un jour qu'il prêchait, saint Bernard sent monter en lui ce qu'il croit être un mouvement de vaine gloire. Il s'apprête à descendre de chaire, lorsque l'Esprit Saint lui intime l'ordre : «Reste ici». C'était du scrupule, non de l'orgueil.

L'orgueilleux vit pour lui. Comment distinguer le péché d'orgueil du juste amour de soi ou d'une légitime fierté ? Il existe deux critères majeurs : d'abord, l'orgueilleux vit pour soi. Il n'aime pas l'autre ou s'il l'aime, c'est pour lui. Faites un test. A qui pensez-vous en premier le matin : à vous ? A votre conjoint ? A vos enfants ? à Dieu ?

Lors d'un dîner entre amis, Monsieur lance à la cantonade : «Cette année, je finis ma thèse ; je commence une licence en socio ; si j'ai le temps, je m'inscris aussi à des cours d'anglais et je... - Je, je, je, l'interrompt sa femme, avec un sourire. Et nous, chéri, dans tout cela ?»

Cette forme d'orgueil est ce que l'on appelle l'égoïsme. Un enfant l'a défini ainsi : «L'égoïste, c'est celui qui ne pense pas à moi !» Lorsque, dans La grande vadrouille, Funès et Bourvil sont faits prisonniers par les Allemands, Bourvil affirme : «Ils pourront me faire tout ce qu'ils veulent, me torturer, je ne parlerai pas. - Moi aussi, renchérit Funès. - Vous aussi ? interroge Bourvil, touché de cette solidarité. - Oui, explique Funès. Ils pourront vous faire tout ce qu'ils veulent, vous torturer, je ne parlerai pas».

Plus terrible la confidence de Swann sur Odette, à la fin de Du côté de chez Swann, de Proust : «Dire que j'ai gâché des années de ma vie, que j'ai voulu mourir, que j'ai eu mon plus grand amour pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n'était pas mon genre !»

L'orgueilleux est tellement au centre de ses préoccupations que Dieu en est évacué. Or, si Dieu n'est pas au centre, Il est nulle part. L'orgueilleux n'agit ni pour la gloire de Dieu, ni pour l'amour d'autrui, mais pour sa propre personne. Voilà pourquoi saint Paul dit de la superbe qu'elle est une bouffissure (Col 2, 18).

... et il vit par lui. L'orgueilleux vit non seulement pour soi, mais par soi. C'est le second critère de discernement. Cette autre forme d'orgueil, plus subtile encore, semble pouvoir s'insinuer partout, jusque dans la bonté, la sainteté. On peut être généreux, se dépenser pour autrui, être pieux, et orgueilleux - vivre pour l'autre et pour Dieu, mais par soi.

Cet orgueilleux-là, c'est l'indépendant. Le Curé d'Ars prévenait : «Lorsque nous péchons par orgueil, [...] nous disons au Bon Dieu que nous sommes indépendants de toutes choses». L'indépendant contrôle tout et ne veut être contrôlé en rien. Il maîtrise son existence, et renâcle à prendre conseil. Ce modèle est exalté par notre société. Il est significatif que «suffisance» soit synonyme d'«orgueil» : l'orgueilleux, c'est l'homme qui veut se suffire à lui-même.

Là est le péché du Démon. Il n'est pas mégalomane, il sait bien qu'il n'est pas Dieu. Sa superbe - et sa désespérance - consiste à ne pas tout attendre de Dieu. Et tout son travail est de construire l'homme à son image...

L'orgueil se dissimule. L'orgueil est un serpent ; il se faufile dans les meilleures intentions du monde, on l'a vu. «L'aveuglement des hommes, écrit La Rochefoucauld, est le plus dangereux effet de leur orgueil : il sert à la nourrir et à l'augmenter, et nous ôte la connaissance des remèdes qui pourraient soulager nos misères et nous guérir de nos défauts».

La superbe est difficile à déceler, pour trois raisons.

D'abord, elle prend des masques. Elle sait même se grimer en vertu (voir encadré «Le masque de la vertu») : «On érige en vertus, pour compenser son inertie ou sa vaine fébrilité, le sentiment d'indignité, le mépris de soi-même, bref une humilité qui donne le change, mais qui recouvre bien souvent un colossal narcissisme», dénonçait le Dr Berge dans Les Maladies de la vertu. L'humilité n'est pas la petitesse. Mgr Guy Gaucher, spécialiste de sainte Thérèse de Lisieux, remarque : «Beaucoup de personnes s'imaginent que "la petite voie" d'enfance thérésienne, c'est : j'ai un petit appartement, j'ai une petite voiture, j'ai une petite vie. Non !»

Ensuite, l'orgueilleux se justifie. Ainsi de la bouderie, une des formes méconnues de l'orgueil. «Trois fois dans la soirée qu'il me coupe la parole devant les enfants, ça suffit ! s'exclame intérieurement Nicole, exaspérée par son mari. Je ne lui adresse plus la parole du week-end.» Le lendemain matin, son mari lui offre son plus beau sourire. Nicole s'apprête à répondre une gentillesse quand elle se reprend : «Ah non, j'oubliais... je boude !»

La preuve que la bouderie est bien de l'orgueil, c'est qu'il faut beaucoup d'humilité pour se rouvrir. Revenir en arrière suppose qu'on avoue, à soi et à l'autre, avoir eu tort - au moins de s'être fermé.

Enfin, l'orgueil est souvent étroitement entrelacé à nos blessures, notamment les blessures d'abandon (lire le témoignage de Julie).

«La charité ne fanfaronne pas, elle ne se gonfle pas», dit saint Paul (1 Co 13, 4). Si l'homme doit se vanter, qu'il «se vante du Seigneur» (1 Co 1, 31). Saint Paul se vante de telle ou telle qualité, mais parce qu'il sait que Dieu en est la source autant que le destinataire (2 Co 10, 8). En cela consiste l'humilité : se tourner vers Dieu, tout recevoir de Lui, et reconnaître ses faiblesses.

Le salut réside aussi dans la capacité à rire de soi-même. «Humour» commence comme «humilité» et finit comme «amour». Grâce à l'humilité, l'orgueilleux apprend qu'il existe non par soi mais par les autres ; et grâce à l'mour, il apprend qu'il existe non pour soi mais pour les autres.

Quelques remèdes

- Prendre conscience de la gravité de l'orgueil. «Dieu résiste aux orgueilleux» (Jc 4, 6), affirme l'Ecriture. Jean Cassien constate que cette résistance de Dieu n'existe pas pour les autres péchés : «Quel grand mal est donc l'orgueil, pour mériter d'avoir comme adversaire non un ange, ni d'autres vertus opposées, mais Dieu Lui-même !» En effet, «l'orgueil s'attaque à Dieu en personne».

- Désirer l'humilité. On chasse l'orgueil par son contraire : l'humilité. Or, une vertu s'acquiert par une succession de petits actes. «Il faut beaucoup d'humiliations pour faire un peu d'humilité», disait sainte Bernadette. Mais la pire humiliation - la plus féconde - est celle qu'on ne choisit pas...

- Devenir un familier de Dieu. Par deux voies : être un «ruminant» de la Parole de Dieu (Jn 15, 3) ; pratiquer une adoration silencieuse et gratuite, où l'on est tout simplement avec Lui, sans rien dire, sans rien faire...

- Cultiver la discrétion. «Mon ami, ne nous faisons pas remarquer», prônait le Curé d'Ars. Avez-vous remarqué combien les hommes deviennent insupportables dans les dîners lorsqu'il y a des jolies femmes ?

- Apprendre à donner dans le secret, sans que personne ne le sache (Mt 6, 1-4). Disons une fois par jour. Si vous avez tendance à être plus généreux lorsque vous vous promenez avec des amis, prenez la résolution de donner autant et aussi souvent aux démunis lorsque vous êtes seul.

- Accepter ses émotions. L'indépendant qui contrôle tout doit d'abord apprendre à dépendre de soi, notamment de son corps, de ses émotions. On raconte que Mère Yvonne-Aimée [de Malestroit], devant une Sœur qui avait perdu sa mère mais s'interdisait de pleurer, réagit ainsi : «J'aimerais mieux la voir pleurer comme une enfant sa chère maman. [...] C'est stoïque, oui, mais pas humain, pas humble. Le Seigneur a pleuré sur Lazare, Lui, c'était son ami... Pleurer ne fait pas de peine au Seigneur, quand ce sont de vraies larmes de douleur, de joie, d'amour, de repentir, etc. C'est humain, et Lui les divinise toutes».

- Reconnaître ses dettes. L'indépendant peut entrer doucement dans la dépendance par la louange, c'est-à-dire la reconnaissance (au double sens du terme) de tout ce qu'il reçoit. Le musicien Olivier Messiaen était franciscain dans l'âme, et témoignait sans cesse de la dette contractée à l'égard de ceux qui l'avaient formé. «Si vous voulez me faire plaisir, dit-il à un journaliste venu l'interviewer en 1931, dites surtout du bien de Marcel Dupré. Je lui dois tout.»

- Savoir rire de soi-même (lire aussi la fin de l'article). Jean Nohain raconte qu'un producteur infatué de sa personne répétait sans cesse : «Je suis d'autant plus heureux de ma réussite que je suis parti de rien». Agacé de cette vanité, quelqu'un murmura : «Il a dû prendre un aller et retour !»

Où se cache l'orgueil ?

Vous êtes en vacances avec des amis. Il s'agit d'organiser la journée. Que dites-vous ?

- «On va visiter le château de Tartempion. Vous verrez, c'est passionnant !»
- «Moi, je ferai ce que vous voulez... tout me convient.»
- «J'aimerais bien visiter le château. Mais je me rangerai à l'avis général.»

Dans le premier cas, le voyant rouge «orgueil-égoïsme» s'allume. Ce que vous ne dites pas, c'est que vous avez une envie folle de visiter ce château et que vous argumentez pour faire passer votre point de vue en espérant bien obtenir le ralliement. Bref, vous ne tenez pas compte du goût des autres.

Dans le second cas, votre désir de conciliation naît en fait d'un manque d'estime et d'affirmation de soi. En fait, vous avez peur d'affronter le groupe, vous n'osez pas énoncer votre désir, qui serait de rester tranquille (mais vous donnez-vous le droit de désirer ?).

Seule la troisième attitude est humble : vous exprimez votre désir en vérité tout en cherchant le bien de tous.

Orgueilleux, moi ? Quelques signes permettant de détecter en soi l'orgueil.

- Avoir toujours raison ; ne jamais reconnaître que l'on a tort. Être incapable de demander de l'aide.

- Ne pas supporter la critique ; ou ne supporter que les «gentilles remarques» ou celles de ceux que l'on aime. Variante : accuser l'autre en permanence.

- Regretter davantage les fautes lorsqu'elles sont commises en public que dans l'intimité. Vous éclatez de colère durant un dîner ? Vous commettez une indélicatesse durant une fête de famille ? C'est moins la faute que vous regrettez, que le fait d'avoir perdu la face ou écorné votre image.

- Le name-dropping, procédé qui consiste à faire passer pour évident que l'on côtoie du beau monde : «Tu sais, l'ambassadeur de France en Norvège, il est charmant. - Comment le sais-tu ? - Oh ! pardon, je ne te l'avais pas dit ? Je dînais chez lui hier soir.»

- Le besoin de se mettre en avant. Pendant le tournage de La Comtesse aux pieds nus, la célèbre et splendide Ava Gardner eut une amourette avec le torero Luis Miguel Dominguin. Le premier soir de leur liaison, Dominguin se lève, s'habille et enjambe la fenêtre. «Peut-on savoir où tu vas ? - Raconter ça aux copains !», répond ingénument le matador.

Pascal Ide, avec Luc Adrian

 

Être humble, ce n’est pas être nul

ARTICLE | 03/07/1999 | Numéro 1120 | Par Père Alain Bandelier

 
 

 

« On nous dit qu’être humble, c’est reconnaître ce que Dieu fait dans notre vie. Mais si on dit tout le temps : "Je ne suis pas digne", "Je suis nul", etc., est-ce de l’humilité ? »

 

Les sept péchés capitaux (3/8) : la gourmandise

http://www.famillechretienne.fr/foi-chretienne/theologie/les-sept-peches-capitaux-206145/les-sept-peches-capitaux-3-8-la-gourmandise-206149

ARTICLE | 21/07/2001 | Numéro 1227 | Par Pascal Ide, avec Luc Adrian

 
 
La gourmandise, un vilain défaut ? Allons donc ! Que celui qui n'a jamais péché jette la première bière ! Pourtant, la gourmandise est une bouche ouverte, une porte entrebâillée pour d'autres démons...
 
 

La gourmandise, on ne va pas en faire tout un plat. Quoique... C'est un sujet aussi sensible que la crème brûlée. On marche sur des œufs meurettes. Osez prétendre, dans un dîner, qu'elle est un vilain défaut, pire, un vice capital qui nourrit en son sein plein de diablotins, et vous allez déguster ! Vous aurez beau citer Ezéchiel - «Voici quelle a été l'iniquité de Sodome votre sœur : [...] l'excès de viandes» -, ou Thomas d'Aquin, vous serez raillé :

- Dieu n'a pas inventé les papilles gustatives pour qu'on ne s'en serve pas ! susurre une asperge blonde qui dépose sur les marches de son palais, des lèvres ourlées de rouge, quelques fraises à la chantilly. S'il y a un mal, il relève plutôt de la médecine que de la morale.

- Le péché, Monsieur, c'est de ne pas goûter les délices de la Création et les merveilles de la gastronomie, observe un homme replet, les babines luisantes.

- D'ailleurs, Jésus, que l'on a accusé être «un glouton et un ivrogne» (Mt 11, 19), a commencé sa vie par le mariage de Cana, où le vin coulait à flot (Jn 2, 1-12), et qui préfigure le Royaume éternel... que l'on compare à un repas de noces ! approuve un traître ecclésiastique au clergyman couleur caviar.

Son ventre devient son dieu. La gourmandise, c'est un «péché mignon», comme le filet du même nom. Un péché enfantin, qu'on évoque avec indulgence et tendresse. Les yeux pétillent, on chuchote en excusant : «Il est gourmet !» Sur les cartes des restaurants chics, «gourmandises» remplace «desserts». Et si, justement, on utilisait le mot de «gourmandise» pour ajouter au plaisir de la bouche celui de la transgression ?

C'est l'orgueil qui a entraîné l'humanité dans la Chute, mais la gourmandise lui passe le plat : «La femme vit que l'arbre était bon à manger» (Gn 3, 6). L'homme cède au Tentateur et se détourne de son Créateur. Mais garde cette soif d'infini qui ne peut être comblée que par Dieu. Il va chercher, en vain (et en vin), son contentement dans les mets de la terre. Il se prend à ressembler au serpent qui rampe sur le ventre. Son ventre devient son dieu, et le fait ramper. Saint Paul fustige durement ceux pour qui «Dieu, c'est leur ventre» (Ph 3, 19).

Pourquoi rechigne-t-on à faire de la gourmandise un péché ? C'est qu'un jansénisme toujours renaissant nous laisse croire que le plaisir est mauvais ou périlleux par nature. On en est venu à identifier gourmandise avec plaisirs de la table. Or le péché, ce n'est pas le plaisir, mais le plaisir immodéré.

Saint Thomas définit la gourmandise comme «le désir désordonné de nourriture». Quel désordre ? Un spécialiste des patates pourries et du confessionnal, qu'on ne peut accuser de laxisme, le Curé d'Ars, répond : «Est-ce que, quand nous aimons ce qui est bon, nous péchons par gourmandise ? Non, nous sommes gourmands lorsque nous prenons de la nourriture avec excès, plus qu'il n'en faut pour soutenir notre corps».

On peut aussi pécher par défaut. Ne pas se nourrir suffisamment (pour ressembler à Kate Moss, l'égérie de Calvin Klein, par exemple), ne pas savoir honorer un plat, avaler son repas en quelques minutes, sont aussi des fautes contre le bon usage de la nourriture et les joies de la convivialité. Comme toute vertu morale, la sobriété, qui règle notre relation à la nourriture, se tient dans un juste milieu.

Une gourmandise peut en cacher une autre. La gourmandise est le péché le plus facile à commettre, le désordre le plus accessible. On peut être gourmand en tout, même en consolations divines (voir en encadré «La gourmandise spirituelle»).

La gourmandise est une mariochka qui cache plusieurs enfants sous ses rondeurs sympathiques. Nous la restreignons souvent à ses excès quantitatifs. Pourtant, notre langue elle-même établit des nuances entre le gourmand, le goinfre, le gourmet, le goulu.

Bien sûr, on est gourmand lorsqu'on dépasse la mesure : cinq sangliers alors que trois suffisent à nous combler. Mais on peut être aussi gourmand selon la qualité, quand on ne recherche que les mets exquis ; selon le temps, lorsqu'on devance l'heure de la satisfaction légitime des papilles. Mais aussi selon la manière de manger, lorsqu'on se nourrit sans souci de convenance ni de politesse. Car se nourrir est un acte social : on pèche en se servant le premier, en attaquant un plat sans attendre son convive, en choisissant la meilleure part, en engloutissant avec avidité...

Les raisons secrètes de nos gourmandises. Les publicités sont alléchantes, les étals tentateurs, les caisses des grands magasins garnies de sucreries qu'on lorgne en faisant la queue. Mais allons plus en amont (avec la psychologie) et en aval (avec la spiritualité) pour saisir les raisons cachées de nos frénésies papillaires, pour comprendre la recette de la gourmandise.

L'aliment est notre toute première expérience de plaisir. Autour des délectations orales se rejouent tous les contentements, mais aussi toutes les frustrations de la petite enfance. La moindre privation de nourriture réveille des manques profonds de consolation - ne dit-on pas d'un homme qui boit qu'il «biberonne» ?

Voilà pourquoi un certain nombre de dysfonctionnements dans le manger et le boire relèvent plus de la blessure que du péché. Ce n'est pas le lieu de parler, ici, de l'alcoolisme (voir encadré «L'alcoolisme est-il un péché ?») ou de l'anorexie-boulimie, pathologies lourdes et complexes. Mais la difficulté à se priver de nourriture, qu'on expérimente durant le Carême par exemple, ont des explications psychologiques et pas seulement morales. Ces blessures excusent, partiellement ou totalement, l'intempérance.

Enfin, il demeure des camouflages volontaires et pécheurs. «On arrive facilement à faire d'un homme un gourmand en flattant sa vanité, soutient C.S. Lewis (voir «T@ctique du Diable»). Il faut lui faire croire qu'il est un fin connaisseur en cuisine.»

Une porte ouverte vers d'autres péchés. N'y a-t-il pas bien pire que la gourmandise ? «La Bruyère, lorsqu'il moque les gourmands, est moins cruel qu'à l'encontre des fats, des avares ou des esprits forts», note l'écrivain Sébastien Lapaque (1).

Mais si la gourmandise est le moindre des péchés capitaux, les Pères du dessert - pardon, du désert - ont observé qu'elle est une bouche ouverte pour d'autres démons. Celui de la luxure bien évidemment (l'excès commence à table et finit au lit). Mais aussi celui de la paresse, de la colère...

D'abord, elle nous rend lourd, au propre comme au figuré. Elle provoque une hébétude de l'intelligence, un affaiblissement de la capacité à saisir les vérités spirituelles. «Tenez-vous sur vos gardes, prévient le Seigneur, de peur que vos cœurs ne s'appesantissent dans [...] l'ivrognerie» (Lc 21, 34). La gourmandise aliène la liberté : «Il nous faut d'abord, en soumettant notre chair, prouver que nous sommes libres», disait Jean Cassien.

La gourmandise dispose à certaines «attitudes extérieures», notait le pape saint Léon : la tendance au bavardage (médisance et calomnie guettent) ; une exubérance qui peut aller jusqu'à la bouffonnerie ; la négligence physique.

Le Purgatoire mérite bien son nom. Insistons : la gourmandise, en elle-même, n'est pas un péché grave. Même saint Augustin lui trouve des circonstances atténuantes : «Dans le manger et le boire, qui est celui, Seigneur, qui ne s'emporte pas quelque fois au-delà des bornes de la nécessité ?» (Confessions X, 31).

Mais elle est un péché clé, un test de maîtrise de soi. «Quand l'estomac est maîtrisé par une contrainte prudente et intelligente, tout un cortège de vertus pénètre l'âme», assure saint Nil Sorsky.

Et si Dante nous annonce, dans La Divine Comédie, que «toute cette foule qui chante en pleurant pour avoir suivi la bouche sans mesure, par faim et par soif, ici redevient sainte», n'oublions pas que cette rédemption se trouve au Purgatoire... qui n'a jamais mieux mérité son nom.

La gourmandise spirituelle

Il existe aussi une gourmandise spirituelle. On rencontre souvent cette tendance chez les nouveaux convertis. Ce gourmand-là ne poursuit plus les délectations de la table mais les consolations de la sainte Table. Il recherche les délices spirituels pour eux-mêmes, préfère la consolation au Consolateur, la sensation de bien-être dans la prière à l'exercice de celle-ci. Cette convoitise affective centre la personne sur elle-même.

Le signe ? Si Dieu ôte sa présence sensible sans ôter sa présence spirituelle - cette présence de grâce qui n'a rien de perceptible -, l'âme est toute désorientée. Ce qui faisait dire au Père d'Elbée dans son livre Croire à l'amour : "Si notre chemin spirituel était plein de roses, qu'est-ce qui nous garantirait que nous allons vers Dieu pour Lui-même et non pour les roses ?"

Pascal Ide et Luc Adrian

 

Les remèdes à la gourmandise

- Revisiter ses motivations. Prenez le temps de vous demander : pour quoi est-ce que je mange ? Quel bien est-ce que je poursuis ? "Qu'on prenne la nourriture selon le besoin de la santé et non selon son désir", recommandait Jean Cassien. "Ce qui est agréable n'est pas toujours bon", constatait un homme de sagesse. Le plaisir n'est pas un signe que ce que l'on mange ou boit est bon ; surtout lorsqu'un mauvais usage répété a déréglé les sens.

- Retrouver dans l'aliment un don de Dieu. "Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, faites tout pour la gloire de Dieu" (1 Co 10, 31). Remerciez-Le avant et après chaque repas.

- Rééduquer son corps. L'homme d'aujourd'hui doit réapprendre à écouter son corps entier, et pas d'abord son seul plaisir. Nous savons quand nous passons du besoin satisfait à la jouissance démesurée. Notre corps a une sagesse ; il sait nous dire "stop". Et ne goûte-t-on pas une joie supplémentaire quand on sort de table sans lourdeur ?

- La parole. On prolonge le plaisir par le souvenir : que celui de tel bon repas n'en vienne pas à occuper toute la conversation. Dans le souvenir aussi, la démesure existe.
Inversement, il existe une manière de se plaindre de la nourriture qui manque de réserve. Cette plainte nourrit souvent plus encore les conversations que son objet les estomacs. La tempérance commence par le fait d'accepter le contenu de son assiette.

- Le renoncement. Ne rêvons pas : il est impossible de nous maîtriser sans un minimum de renoncement. Nous saurons qui est maître chez nous - notre volonté ou notre plaisir - seulement le jour où nous apprendrons à dire "non" à certains plaisirs. Si le jeûne nous est tellement difficile pendant le Carême, c'est que nous n'avons guère l'habitude de nous priver le restant de l'année.
Voici quelques conseils simples à appliquer régulièrement : prendre d'un plat que l'on aime moins ou pas ; renoncer à se resservir d'un mets dont on raffole ; ne pas prendre d'un aliment qu'on apprécie.

- L'attitude à table. Un maître spirituel remarquait : "Si tu veux savoir quelle intimité un homme entretient avec Dieu, regarde-le à table. S'il est attentif à chacun, sois assuré qu'il est présent à Dieu. Mais s'il ne pense qu'à se remplir l'estomac, se sert avant les autres, raconte ses histoires sans écouter celle de son voisin, cherche plutôt la compagnie des grands qu'être assis à côté de tout le monde, on peut douter de la profondeur de sa communion avec le Seigneur".

- Poser des actes. Il suffit de passer en revue les différentes espèces de gourmandise et d'en prendre le contre-pied. Par exemple, celui qui devance l'heure peut essayer de se fixer un horaire précis de repas et arrêter de grignoter lorsqu'il rentre chez lui le soir ou qu'il prépare le dîner.

- Traiter la cause. Le plaisir gustatif est une compensation. "On ne peut pas vivre sans plaisir", disait Aristote ; or manger est le plaisir le plus immédiat. On peut donc s'aider à moins manger en se faisant plaisir autrement, et en diversifiant les sources de consolation.

- Méditer l'exemple du Christ. Saint Ignace nous invite à contempler la manière dont Jésus se nourrissait. Didier Decoin ajoute, dans Jésus, l'homme qui riait : "Ce n'est pas seulement pour se sustenter que Jésus passe à table. Manger, c'est être ensemble. Etre ensemble, c'est partager. Partager, c'est aimer. Aimer, c'est Jésus".

Pascal Ide et Luc Adrian

 

 

Les sept péchés capitaux (4/8) : la luxure

http://www.famillechretienne.fr/foi-chretienne/theologie/les-sept-peches-capitaux-206145/les-sept-peches-capitaux-4-8-la-luxure-206151

ARTICLE | 28/07/2001 | Numéro 1228 | Par Pascal Ide, avec Luc Adrian

 
 

 

«Tu posséderas ton prochain», susurre la luxure. Ce vice capiteux est captieux. Il déchaîne, puis enchaîne. Comment sortir de la «tyrannie du plaisir» ?

 
 

«L'homme boitera toujours par le sexe, et pourtant il est au milieu», affirmait le grand écrivain catholique anglais Chesterton. Aujourd'hui, il boite en prétendant marcher droit. Mais, paradoxalement, dès qu'il s'agit de citer un péché, l'homme moderne répond «la luxure». Il ne songe qu'à elle. «Il s'est persuadé que la morale de ses prédécesseurs s'ordonnait autour de la braguette», note Sébastien Lapaque (1). Du puritanisme au libéralisme, nous oscillons d'un excès à l'autre.

Depuis la chute originelle, la sexualité est anarchique. Le patient travail de la chasteté est d'en harmoniser les composantes ; celui de la luxure, de la défaire. Mais «confondre la luxure [...] et le désir qui rapproche les sexes, autant donner le même nom à la tumeur et à l'organe qu'elle dévore», écrit Bernanos dans Journal d'un curé de campagne.

Réduire l'autre à son corps. La luxure a aujourd'hui la partie belle. Cette «jouissance déréglée», selon le Catéchisme de l'Eglise catholique, commence dès que la sexualité se détourne de son but qui est le don, pour devenir possession. «Le plaisir sexuel est moralement désordonné quand il est recherché pour lui-même, isolé des finalités de procréation et d'union», poursuit le Catéchisme (n° 2351). Il est un fruit, non une fin (voir ci-dessous l'encadré sur le plaisir sexuel). La luxure viole la nature profonde de la sexualité : illusoire, elle ne peut, à long terme, que rendre triste. Centrée sur le seul orgasme, elle ne s'intéresse plus qu'à l'organe.

 

L'Ancien Testament conte l'histoire d'une jeune femme de grande beauté, Suzanne. Elle se promène dans un jardin où se trouvent deux vieillards. Ceux-ci, «qui la voyaient tous les jours entrer pour sa promenade, se mirent à la désirer. Ils en perdirent le sens, négligeant de regarder vers le Ciel et oubliant ses justes jugements. Tous deux blessés de cette passion, [...] honteux d'avouer le désir qui les pressait de coucher avec elle, ils n'en rusaient pas moins chaque jour pour la voir» (Dn 13, 8-12).

La luxure est pernicieuse en raison de ses effets. Ils sont tous là : le vice né de la répétition ; l'oubli volontaire de ce que Dieu demande ; la blessure ; la honte ; l'aliénation née du désir. Et bientôt, l'asservissement.

«Tu posséderas ton prochain», susurre la luxure. Le corps du délit, c'est le corps voulu pour la seule jouissance. Le concupiscent réduit l'autre à son corps - et celui-ci à ses parties désirables, érotiquement stimulantes. Il fait du corps d'autrui un objet. C'est pour cette raison que le film porno, explique le sociologue Jean Baudrillard, évite les visages. Question : souhaiterais-je être regardé (ou accepterais-je que l'on regarde mon épouse) comme je suis en train de détailler le corps de cette femme ?

Sa première victime ? Le luxurieux... Même si la luxure - dans l'adultère - est aussi une injustice commise à l'égard de la famille : elle brûle de l'argent et du temps. Elle fait partie de ces péchés qui trouvent leur châtiment en cette vie, soutenait Bernanos. La tromperie se paie de craintes constantes (être vu, attraper le sida, attendre un enfant...), et de culpabilité.

La luxure attriste plus qu'elle ne réjouit. Chair amère. Ses désordres embrument l'intelligence. Saint Grégoire le Grand estime que la gourmandise affaiblit l'esprit dans sa capacité à saisir les vérités spirituelles, alors que la luxure l'annule complètement. A minima, l'obsession du désir de plaire rend bête. Il aliène la liberté. Un accroc des sites pornos peut passer des heures devant l'écran et se masturber plusieurs fois par jour. On peut être dépendant du sexe comme de l'alcool. A ce stade, le péché devenu vice est une pathologie.

Une «maladie de l'âme». Déjà Basile de Césarée parlait de la luxure comme d'une «maladie de l'âme». C'est un supplice de Tantale, une soif dévorante jamais assouvie. Dans la «tyrannie du plaisir», l'Enfer commence ici-bas (2). Au deuxième cercle de l'Enfer, Dante découvre le dam des luxurieux : «Et je compris qu'un tel tourment était le sort des pécheurs charnels,/ qui soumettent la raison aux appétits».

Ce péché ne semble concerner que nous-même. Pourtant, il est d'abord une injure à Dieu. «Ne savez-vous pas que votre corps est un temple du Saint-Esprit, qui est en vous et que vous tenez de Dieu ? dit saint Paul. Et que vous ne vous appartenez pas ? [...] Glorifiez donc Dieu dans votre propre corps» (1 Co 6, 19-20).

Mais la luxure ne prend pas toujours la forme évidente et grossière de la fornication ou de la masturbation. Elle peut adopter des masques subtils, dont la femme est plus aisément dupe.

Le Dr Simone Fayeton rapporte l'histoire d'une femme «belle, racée, intelligente», mère de trois beaux enfants, apparemment heureuse en famille. A 18 ans, elle avait interrompu un grand amour platonique car son prétendant n'était pas fidèle. Puis elle avait épousé un homme très épris d'elle.

Apparemment, le couple allait bien. «Moi, je savais qu'en vérité elle n'assouvissait pas son désir profond, confie le Dr Fayeton. Je lui ai posé la question : vous êtes amoureuse d'un autre homme ? Elle m'a dit oui. Ils se sont vus en vacances pendant quinze jours. Elle a l'impression qu'il l'aime. Elle n'a pas l'intention de divorcer, mais elle ne pense qu'à lui, comme le seul homme qu'elle pourrait vraiment aimer infiniment.»

«Mais c'est Dieu qui est à aimer infiniment, et pas un homme ! poursuit le Dr Fayeton. Et tout ce manque en elle, ce besoin d'infini, ce désir illimité d'amour, elle le projette sur cet homme.» Dès lors, «son désir de concupiscence» est très vif, «parce qu'on est fait de chair et de sang - ce qu'elle méprise énormément, parce que ce n'est pas beau, pas digne pour elle. Voilà son conflit, sa maladie : elle veut mettre l'absolu dans le fini.»

Chasteté n'est pas pruderie. On lutte contre un vice par la vertu contraire. Contre la luxure, donc, par la chasteté : «Elle nous recompose, affirme saint Augustin dans ses Confessions ; elle nous ramène à cette unité que nous avions perdue en nous éparpillant».

Le Catéchisme de l'Eglise catholique consacre de beaux paragraphes à cette vertu raillée, qui est pourtant liberté (nos 1337 à 1345). «L'alternative est claire, conclut le Catéchisme : ou l'homme commande à ses passions et obtient la paix, ou il se laisse asservir par elles et devient malheureux (cf. Si 1, 22).»

Attention cependant, chasteté n'est pas pruderie. Il y a une obsession de la pureté qui ne vaut pas mieux que l'obsession luxurieuse.

Dans Le Cercle des menteurs, Jean-Claude Carrière (3) rapporte cette histoire de deux jeunes moines zen qui firent ensemble le serment de ne jamais toucher une femme. «Un jour, alors qu'ils voyageaient, ils s'apprêtaient à traverser le cours d'une rivière en crue quand ils virent apparaître une jeune femme d'une rare beauté qui leur demanda de l'aider à franchir les eaux impétueuses. Elle devait de toute nécessité traverser cette rivière, expliqua-t-elle, pour porter secours à son père malade. Toute seule et fragile, elle ne pouvait s'y risquer.

»Le premier moine, sans même écouter les paroles de la jeune femme, s'avança dans le fleuve et le traversa. Le second moine saisit la femme dans ses bras et, plus lentement, plus difficilement, en s'aidant d'une corde, il la porta sur l'autre rive. La jeune femme le remercia et s'éloigna rapidement.

»Les deux moines reprirent leur marche. Pendant plus d'une heure ils restèrent dans le silence. Soudain le premier moine éclata de colère, de reproches, et dit à son compagnon : "Mais comment as-tu pu briser ton serment ? [...] - Tiens, lui dit l'autre, tu penses encore à elle ?"»

Pascal Ide, avec Luc Adrian

(1) La Luxure - Anthologie littéraire, Librio.

(2) La Tyrannie du plaisir (Seuil, 1998) est le titre, emprunté au philosophe grec Platon, d'un ouvrage du journaliste Jean-Claude Guillebaud. Une réflexion courageuse sur l'actualité de la prétendue réussite de la libération sexuelle (qui est l'institutionnalisation de la luxure), et de sa déconfiture (diagnostic, causes, remèdes).

(3) Le Cercle des menteurs - Contes philosophiques du monde entier, Paris, Plon, 1998

Les sept péchés capitaux (5/8) : l'avarice

http://www.famillechretienne.fr/foi-chretienne/theologie/les-sept-peches-capitaux-206145/les-sept-peches-capitaux-5-8-l-avarice-206150

ARTICLE | 04/08/2001 | Numéro 1229 | Par Pascal Ide, avec Luc Adrian

 
 

 

Posséder est légitime. Le problème commence lorsque l'argent ou des biens nous possèdent. Ou nous obsèdent. Comment faire d'un «mauvais maître» un bon valet ?

Un jeune homme désire entrer au monastère. Le maître des novices l'interroge pour savoir s'il est vraiment décidé à abandonner le monde.

«Si tu avais trois pièces d'or, les donnerais-tu aux pauvres ? demande-t-il. - De tout cœur, Père. - Et si tu avais trois pièces d'argent ? - Bien volontiers ! - Et si tu avais trois pièces de cuivre ? - Non, Père. - Et pourquoi, demande le moine, stupéfait. - Parce que je les ai !»

 

Où commence l'avarice ? Louis de Funès ne payait jamais ses taxis en espèces. «Il avait remarqué, raconte le comédien Pierre Richard, que les chauffeurs, au lieu de mettre ses chèques à la banque, préféraient les garder et se pavaner : "T'as vu, c'est un chèque signé de Funès !" Résultat : Funès faisait des économies...»

De moyen, l'argent devient une fin. Thomas d'Aquin assure que tout péché se fonde sur un désir naturel. Le désir de posséder fait partie des inclinations légitimes. L'avarice n'est pas la possession de l'argent, mais son «mauvais usage», prévient Maxime le Confesseur.

De moyen, l'argent devient fin. Le langage, dans sa sagesse, dit de quelqu'un de fortuné : «il a les moyens» - et non : «il a la fin». Les Pères de l'Eglise distinguent trois aspects dans ce péché : l'attachement du cœur à l'argent, c'est-à-dire l'avarice au sens propre ; le désir d'acquérir sans cesse de nouveaux biens, c'est-à-dire la cupidité ou l'avidité ; enfin, l'opiniâtreté dans la possession. L'Ecriture est sévère avec le cupide : «Nul ne peut servir deux maîtres, dit Jésus : ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent.» (Mt 6, 24) Saint Paul renchérit : «La cupidité est une idolâtrie» (Col 3, 5 ; cf. Ep 5, 5).

Au Musée diocésain de Cortone, Luca Signorelli a peint une Communion des Apôtres (1512) où Judas semble glisser l'hostie dans sa bourse. Cette profanation montre symboliquement combien Judas adorait l'argent. Celui-ci est le dieu de l'avare. Il y sacrifie Dieu.

Insensibilité, inquiétude, vol, violence... Les filles de l'avarice, selon Grégoire le Grand, sont l'insensibilité du cœur - tel le mauvais riche de l'Evangile, indifférent au pauvre Lazare (Lc 16, 19-30) ; l'inquiétude dans la possession (cf. le savetier de La Fontaine) ; la violence dans l'appropriation (combien de familles unies se déchirent lors d'un héritage ?) ; le vol et même la trahison (Judas l'Iscariote). Sans parler de la «tristesse» du jeune homme riche de l'Evangile. «Car tout l'or qui est sous la lune et a été, ne pourrait donner le repos à une seule de ces âmes lassées», écrit Dante dans son Enfer à propos des cupides (chant VII).

L'avare détruit sa famille. «Dans mon enfance, je fus privé de cours de danse, faute de moyens, alors que j'aimais beaucoup ça. Une fois adulte, je découvris que mon père était passionné de philatélie et qu'il avait englouti des sommes colossales pour satisfaire sa manie. J'ai mis du temps avant de lui pardonner», témoigne une jeune femme. L'avaricieux est capable de se restreindre sur tout, sauf sur son hobby, où sa prodigalité est illimitée.

La cupidité a des effets ravageurs sur la nature. Elle peut en avoir à l'échelle d'un pays : «Une des causes de la défaite française a été la frénésie dans la jouissance des biens de la terre après la Grande Guerre, écrivait le futur pape Jean XXIII dans une lettre à sa famille. Les Allemands, eux, ont aussitôt commencé à s'imposer des limitations et des sacrifices, et se sont retrouvés prêts et forts. Sous une autre forme, c'est la parabole des vierges sages et des vierges folles».

Le nerf de la guerre. Saint Paul assure que «la racine de tous les maux, c'est l'amour de l'argent» (1 Tm 6, 10). Or l'Ecriture affirme que la source de tous les péchés, c'est l'orgueil (cf. Si 10, 10). Qu'en est-il ? Saint Thomas d'Aquin répond en distinguant : l'orgueil, c'est la fin des fins. Tous les péchés conduisent à gonfler l'ego. La cupidité, elle, est première dans l'ordre des moyens : l'argent, nerf de la guerre, offre de réaliser tous les désirs.

De la série des Parrain au récent Traffic, le cinéma montre que le monde de la drogue lie les trois grandes concupiscences (1 Jn 2, 16) et les pousse à leur paroxysme : le sexe, l'argent, le pouvoir - l'accumulation de l'argent servant l'expansion du pouvoir.

Balzac livre, dans Le Père Goriot, un portrait saisissant de l'avare sous les traits de Gobseck. Ce «rat» est roi : dans une société en pleine expansion économique, les usuriers distribuent à leur gré l'opulence ou la misère, et peuvent précipiter un homme du haut en bas de l'échelle sociale en quelques heures.

Balzac, qui fut leur victime, les dote d'une puissance satanique. Qu'écrirait-il aujourd'hui, à l'ère de la mondialisation et de l'«horreur économique» selon l'expression controversée de Viviane Forrester ?

Une «boulimie de l'âme». Le péché aveugle. L'avaricieux ne voit pas son vice. D'une part, il se protège en se justifiant. Saint François de Sales constatait déjà qu'on ne se confessait pas de ce péché : «On s'excuse sur la charge des enfants qui presse, sur la sagesse qui requiert qu'on s'établisse en moyens : jamais on n'en a trop, il se trouve toujours certaines nécessités d'en avoir davantage».

D'autre part, la crispation sur l'argent est souvent prédisposée par une blessure d'enfance. La frustration de l'avaricieux est aussi intense que la privation de nourriture chez le gourmand. «J'ai trop manqué !» L'argent touche notre relation à la sécurité. Elle est un des besoins fondamentaux de l'homme. On peut inverser le proverbe : «A père prodigue, fils avare».

«Il est si avare, dit La Flèche en parlant de son maître Harpagon, qu'il ne dit pas : "Je vous donne le bonjour", mais "Je vous prête le bonjour".» Craignant constamment de manquer, l'avare hésite toujours à donner. Et s'il donne, son esprit fait des comptes. François de Sales proposait trois critères : vous êtes avare, disait-il, «si vous désirez longuement, ardemment et avec inquiétude les biens que vous n'avez pas [...].»

Un désir ardent ? Il y a de l'infini dans le désir d'argent. On veut toujours plus ! «Tout être qui possède en abondance s'estime encore trop pauvre», souligne finement saint Ambroise. Notre pouvoir d'achat a été multiplié par six depuis cinquante ans ; pourtant, nous n'avons jamais autant manqué... Une étude statistique a montré que la majorité des salariés estimaient devoir être augmentés d'au moins 20 % pour vivre à l'aise ; ce pourcentage est à peu près constant pour toutes les tranches de revenus. Autrement dit, on n'a jamais assez...

Les Pères de l'Eglise voyaient dans cette cupidité insatiable une véritable plaie, une «boulimie de l'âme», comme l'appelait saint Jean Chrysostome : «Plus elle se gorge d'aliments, plus elle désire. Elle étend toujours ses souhaits au-delà de ce qu'elle possède». Elle les étend aussi à des biens qui ne sont pas matériels. Balzac disait du père d'Eugénie Grandet qu'il «semblait économiser tout, même le mouvement.» Il existe aussi une avarice spirituelle (lire encadré «L'avarice spirituelle»).

Inquiétude, peur et anxiété. L'avare ne dort pas sur ses deux oreilles, mais sur son oseille. Il est inquiet, anxieux, en permanence et à perpétuité. «Le riche, même quand il n'éprouve aucune perte, a peur d'en éprouver», explique Jean Chrysostome. C'est la «fièvre de l'or». L'une des raisons pour laquelle saint François d'Assise interdisait à ses frères de toucher la moindre piécette.

Il est rare qu'un chrétien fasse de l'accumulation de l'argent le but de sa vie. Mais il est plus fréquent qu'on ne croit qu'il en fasse son premier souci. Or, à force de soucier, l'argent accapare l'esprit. Un jour, il prend la première place ; c'est le propre de l'idole (1).

Jean Pliya propose un test pratique «pour vérifier si l'argent ne domine pas mes pensées. Quelles sont mes réactions lorsqu'après avoir acheté un article, je découvre le même objet bien moins cher dans une autre boutique, ou lorsque je me fais rouler dans une affaire ou que je suis victime d'un vol ? Est-ce que je me plains, me lamente et rumine jour et nuit ma déception en exprimant des regrets ? Ou bien est-ce que je me tourne vers le Seigneur pour le louer pour ce qui vient de m'arriver et pour le commerçant qui a gagné ?

»A l'inverse, si après avoir fait mon achat, je constate que le même article coûte ailleurs bien plus cher que je ne l'ai payé, est-ce que je ne jubile pas avec le sentiment d'une grande satisfaction et l'envie de raconter à tous mes amis ma bonne fortune ?» Jean Pliya conclut : «Comme l'Esprit Saint doit s'attrister de voir nos pensées assujetties à l'argent». Cette tristesse qui frise parfois l'accablement a oublié le conseil de l'Ecriture : «Ne te fatigue pas à acquérir la richesse. Cesse d'y appliquer ton intelligence». (Pr 23, 4)

«L'argent est un bon serviteur, mais il est un mauvais maître», dit la sagesse populaire. Ou, si l'on préfère de références plus célestes : ne soyez pas, comme les Pharisiens, «amis de l'argent» (LC 16, 14), mais bien plutôt, avec l'argent, «faites-vous des amis» (Lc 16, 9).

Pascal Ide, avec Luc Adrian

(1) Il est bien entendu que nous ne parlons pas ici des personnes démunies. Le Père Joseph Wresinski, fondateur d'ATD Quart-Monde, a montré combien celles-ci sont obsédées par l'argent, non par avarice mais par manque.

Lisez aussi La jalousie, mourir d'envie

Trois livres guides

- Donner comme un enfant de roi, par Jean Pliya, Paris, François-Xavier de Guibert, 1993.
- Sur le devoir d'imprévoyance - petit traité d'économie pratique, par Isabelle Rivière, Paris, Cerf 1933. (Un trésor, qui se trouve encore d'occasion).
- Eh bien dites don !, par Pascal Ide Petit éloge du don, Paris, Emmanuel, 1996.

Les sept péchés capitaux (6/8) : la jalousie

http://www.famillechretienne.fr/foi-chretienne/theologie/les-sept-peches-capitaux-206145/les-sept-peches-capitaux-6-8-la-jalousie-206152ARTICLE | 11/08/2001 | Numéro 1230 | Par Pascal Ide, avec Luc Adrian

 

La jalousie est sans doute l'un des péchés les plus cachés, les plus honteux, et le plus fréquent avec l'orgueil. Cette tristesse mesquine survient sans prévenir et nous mord le cœoeur. Est-ce incurable ?

 
 
 

J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c'est que nous sommes tous plus ou moins jaloux, et que nous l'ignorons. La bonne, c'est qu'il y a un remède. La jalousie est une tristesse honteuse. Une amertume qui ronge, mine, et contamine l'entourage. L'envie est laide, petite, mesquine. C'est, avec l'orgueil, le péché du diable. « Quand un homme sent qu'il manque d'une qualité qu'il peut avoir, écrit Montesquieu, il se dédommage par jalousie. » L'envieux s'attriste de ce que l'autre possède et qu'il n'a pas : ses qualités, sa gloire, sa richesse, son conjoint, etc.

Tristesse de ce qu'est l'autre. Des psychanalystes vont plus loin. Le jaloux s'attriste non pas de ce qu'a l'autre, mais de ce qu'est l'autre. Les moralistes traditionnels n'ignoraient pas cette subtilité lorsqu'ils distinguaient l'envie –€“ qui porte sur les choses –€“ et la jalousie –€“ qui porte sur les personnes.

Jean, 3 ans, et Ludovic, 5 ans, jouent ensemble. C'est l'heure du goûter. Maman apporte une tartine au cadet. Ludovic se met en colère : « Et moi ? C'est pas juste !€“ La tienne, je te l'apporte tout de suite ». Quelques secondes plus tard, la mère offre une tartine à l'aîné qui la repousse : « Non, dit-il, je veux celle de Jean ».

Ludovic exige moins l'objet du plaisir que le plaisir même qu'éprouve son cadet. Il refuse que celui-ci puisse goûter une délectation sans qu'il en soit, lui, Ludovic, le premier et majeur bénéficiaire. Plus encore, il veut être, seul, au centre de l'affection maternelle. Justice ne lui sera rendue que lorsqu'il aura reçu une plus grosse part que son frère. C'est aussi vrai de l'adulte jaloux qui, explique saint Augustin, « redoute de voir [l'autre] l'égaler ou dont l'égalité le fait souffrir ».

La jalousie est une ingratitude. Depuis la chute originelle, un Caïn –€“ le premier jaloux –€“ sommeille en nous. Placez Valentine, 2 ans et demi, au milieu d'autres enfants : il ne faudra pas cinq minutes pour qu'une guerre éclate sur le tas de sable à propos d'un seau convoité. La jalousie jaillit à la vue du bonheur d'autrui. Mais ce spectacle ne nous affecterait pas s'il n'y avait en nous un vide. Pour les amoureux qui se sentent comblés, le bonheur de l'autre ne les fait pas souffrir - au contraire, il accroît le leur. Inversement, plus on se sent privé, plus la jalousie mord le cœur.

Dans le fond, ce qui manque au jaloux, ce n'est pas seulement telle ou telle chose, c'est l'estime de son propre bien. Dans un de ses romans, Mary Higgins Clark met en scène une ravissante jeune femme ; survient, au cours d'une soirée, une superbe créature. Tous les hommes de l'assistance se tournent vers l'apparition. « Je ne sais pas si toutes les femmes ont ressenti la même chose que moi, confie l'héroïne, mais à cet instant précis, je me sentis très fade. »

Quel homme, devant qui l'on dresse l'éloge d'un confrère pour sa réussite professionnelle, son intelligence, son humour, n'entend pas en lui une voix qui susurre : « Et moi ? Et moi ? » ? Nous touchons ici le fond de la jalousie,€“ tant du péché que de la blessure qui la favorise : le manque d'amour de soi. La jalousie est toujours une ingratitude. Avant de se protéger de la lumière qui rayonne d'autrui, le jaloux s'aveugle sur sa propre capacité à éclairer.

Une passion avant d'être une faute. Qu'un célibataire soit frustré en assistant au mariage de son meilleur ami, et se sente jaloux, n'est-ce pas légitime ? Que l'annonce de la naissance du quatrième enfant chez les voisins, alors que nous ne parvenons pas à en avoir, nous serre le cœur, n'est-ce pas humain ?

Alors la jalousie est-elle vraiment un péché ? Il convient de distinguer la faute du sentiment. La tristesse envieuse est d'abord une passion, une réaction de la sensibilité : elle entre sans frapper, surgit sans prévenir. La faute commence lorsque nous nous acoquinons avec la passion, et devenons son complice. Quand nous la justifions et l'entretenons, par des pensées, des paroles, ou des actions.

Au marché, ce matin : « Tu as vu Martine, là-bas : elle est toujours pimpante, soignée, avec ses trois enfants impeccables. Oui, mais elle a une aide à domicile et son mari gagne des fortunes. Tu sais, je ne suis pas sûre qu'elle soit très heureuse avec lui... »

Jalousie : il n'y a qu'un mot pour désigner la blessure et la faute, on peut le regretter. Mais ce terme unique signifie aussi la continuité d'une histoire qui peut aller de la fermeture subie –€“ c'est la blessure –€“ à la fermeture consentie –€“ c'est le péché.

Le contraire de l'amour. N'est-il pas normal d'être jaloux lorsqu'on aime ? « Rien ne ressemble plus à l'amour et rien ne lui est plus contraire, violemment contraire », répond Christian Bobin, dans La plus que vive. « Le jaloux croit témoigner, par ses larmes et ses cris, de la grandeur de son amour. Il ne fait qu'exprimer cette préférence archaïque que chacun a pour soi-même. [...] C'est le petit enfant en moi qui trépignait et faisait valoir sa douleur comme monnaie d'échange. »

L'envie réactive l'amour captatif de l'enfant pour sa mère. Le jaloux veut être non seulement l'unique aimé, mais l'unique cause du bonheur de l'autre : ce mégalomaniaque exige d'être au centre de l'amour reçu et de l'amour donné. « Il y a dans la jalousie plus d'amour-propre que d'amour », disait La Rochefoucauld.

Une progéniture nombreuse. La jalousie n'est pas seulement un péché, mais un péché capital. Ce « péché de tête » engendre une progéniture nombreuse, moche et rabougrie : malveillance, dénigrement, satisfaction devant les difficultés de l'autre, déception de voir sa réussite, haine... Observez. Dans une équipe, le jaloux dénigre toutes les initiatives dont il n'est pas l'auteur. Il fait perdre un temps et une énergie considérables. Ce pisse-vinaigre est aussi l'un des pires fomenteurs de division.

Accouplée à la cupidité, l'envie fracture les familles les plus unies à l'heure de l'héritage. Poussée à l'extrême, elle assassine. Le jeune David n'est qu'un berger, mais il vient de tuer le géant Goliath. Alors, « les femmes sortirent de toutes les villes d'Israël [...], dansaient et chantaient ceci : "Saül a tué des milliers, et David des dizaines de milliers" ». Le roi Saül fut horriblement vexé. « Il dit, dépité : "On a donné les dizaines de milliers à David et à moi les milliers, il ne lui manque plus que la royauté !" Et, à partir de ce jour, Saül regarda David d'un œil jaloux. » Il voulut le tuer (1 Sm 18, 6-11).

La jalousie peut même joindre le suicide à l'homicide. La reine qui, chaque jour, demande : « Miroir, ô miroir, dis-moi qui est la plus belle ! » cherche à faire tuer sa rivale, Blanche-Neige. La première tentative ayant échoué, la reine décide de se transformer en sorcière. Qu'importe si, en se défigurant, elle perd la beauté qu'elle convoitait, pourvu qu'elle entraîne sa rivale dans la mort ! La logique la plus intime de la jalousie se dévoile ici : elle est autodestruction.

Le jaloux se trompe lui-même. Pour au moins quatre raisons. La première, c'est la honte. La jalousie est le seul des sept vices capitaux dont on ne se vante pas – sauf si on est amoureux ! D'autre part, l'envieux pratique la politique de l'autruche. La jalousie est en effet toujours « spécialisée ». Elle s'exerce à l'égard d'une personne (un frère, un collègue...), d'une catégorie de personnes (des mères de famille, des joueurs de golf...), dans un domaine précis (voitures, habits, talents...). Le déni est donc facile : il suffit de regarder où je ne suis pas jaloux pour croire que je ne le suis pas.

Autre justification masquée : « Les jaloux sont des égoïstes, repliés sur eux-mêmes. Moi, je suis généreux ». Creusons un peu : généreux envers qui ? Le jaloux est en effet altruiste... seulement vis-à-vis de ceux qui sont plus malheureux que lui. Il peut se rendre indispensable, s'il est assuré d'être au cœur du bonheur de l'autre.

Enfin, cette jalousie qui peut devenir maladive et paranoïaque cache souvent une blessure d'enfance ; le péché se greffe alors sur l'immaturité psychologique.

« Le matin, quand mon père était parti travailler, je venais dans le lit de ma mère, raconte la réalisatrice Nadine Trintignant. Quand le moment venait où il fallait qu'elle se lève,€“ elle s'occupait de la maison, de ses cinq enfants, de tout€“, c'était chaque fois pour moi une terrible souffrance. Je m'en souviens comme d'une violence. » Elle poursuit : « Je continue à la vivre avec les hommes ». L'enfant mal-aimé qui sommeille dans le jaloux vivra tout éloignement de son conjoint comme un rejet insupportable, et les amitiés de ce dernier comme des menaces et des trahisons.

« Le jaloux est celui qui ne peut pas croire à la bonté d'autrui, même quand il a des signes de son amour, explique l'exégète Paul Beauchamp. La jalousie conduit à considérer tout être comme un rival et à ne pas croire à l'amitié. »

Eviter de susciter la jalousie. Combattre la jalousie en soi-même est nécessaire, mais éviter de la susciter relève de la délicatesse du cœur. Cette question n'est pas du scrupule. Jésus demande d'avoir à ce point souci de notre frère que nous avons interdiction de nous coucher non seulement si nous sommes en colère, mais si notre frère est en colère à cause de nous.

Vous partez en vacances une semaine aux Antilles ? Si vous le dites à cet ami qui tire le diable par la queue, il vous enviera. Vous décidez de vous taire. N'est-ce pas hypocrite ? Non. Certes, dans la relation humaine, a fortiori dans l'amitié, la vérité est un devoir ; mais un autre principe équilibre le premier : on doit dire la vérité que l'autre peut porter. De plus, l'Evangile demande d'éviter d'être une occasion de chute. Ce silence est ici un acte de charité.

Critiquer, éviter... ou bénir. Pas d'hypocrisie : tous, ou presque, nous ressentons de la jalousie. Grosso modo, trois attitudes personnelles sont possibles : critiquer ; éviter l'autre ; ou bénir (lire « Comment soigner la jalousie ? »). Seule la dernière apporte la paix. C'est souvent le fruit d'un long combat.

La Bible, maîtresse en humanité, met en scène de nombreux jaloux criminels (Caïn, Saül, Hérode), mais aussi d'admirables contre-exemples : Moïse, Jonathan et David, Jean le Baptiste...

Lorsqu'Eldad et Médad se mettent à prophétiser, Josué intervient pour que Moïse les arrête. Celui-ci réagit avec humour : « Serais-tu jaloux pour moi ? Si seulement tout le peuple du Seigneur devenait un peuple de prophètes sur qui le Seigneur aurait mis son Esprit ! » (Nb 11, 28-30).

Dans le Nouveau Testament, on voit les disciples du Baptiste venir lui parler de Jésus : « Maître, Celui qui était avec toi de l'autre côté du Jourdain, Celui à qui tu as rendu témoignage, Le voilà qui baptise et tous viennent à Lui » (Jn 3, 26).

Pas moins de cinq comparaisons qui pourraient être autant de raisons de jalousie. Or le cousin de Jésus, loin de se laisser piéger, se dérobe à la tentation par l'humilité. Sans se nier, il donne à chacun sa juste place : « Il faut que lui grandisse et que moi, je décroisse » (Jn 3, 30).

Si la lecture de l'Ecriture ne suffit pas, le jaloux chronique trouvera une ultime consolation dans la méditation du mystère de la Communion des saints. Probablement, le plus sûr remède à l'envie, avec la louange. Car au Ciel, il n'y aura plus de jaloux. Nous découvrirons avec un soulagement inouï que Dieu a prévu une place différente et unique pour chacun. Davantage, nous nous réjouirons infiniment plus du bonheur de tous que de notre seul bonheur.

« Au Ciel, mon plus grand bonheur ne sera pas le mien, confiait un mystique, mais celui de tous les autres. » C'est à devenir jaloux de ceux qui sont déjà au Ciel !

Quelques livres

- La Jalousie, par Madeleine Chapsal, Paris, Fayard, 1977.

 

- Le Plaisir et le péché. Essais sur l'envie, par Nicole Jeammet, coll. « Les chemins du sens », Paris, DDB, 1998.

 

 

- Envie et gratitude, par Melanie Klein, 1927, trad. V. Smirnoff, Paris, Gallimard, 1968.

 

 

- Inceste et jalousie. La question de l'homme, par Denis Vasse, Paris, Seuil, 1995.

 

Jalousie, beau miroir

On peut utiliser la jalousie pour mieux se connaître. Elle nous révèle en effet les manques qu'on ne veut pas s'avouer. Posons-nous ces questions :

 

1. En quoi consiste ce manque ? (il a fait de meilleures études, elle est habillée avec goût...).

 

2. Suis-je coupable de ce manque ? Si oui (si j'avais davantage travaillé, j'aurais le même poste que lui), demander pardon à Dieu du péché, et faire le deuil du manque.

 

3. Puis-je changer pour combler ce manque ? Dois-je changer ? Si oui, prenez les moyens, sans agitation, en vous appuyant sur la grâce de Dieu (suivre une formation complémentaire ?). Sinon, demeurez à votre place et bénissez Dieu pour ce que vous êtes, ce que vous faites, et ce que vous avez.

 

4. Refaites l'exercice à chaque fois que la jalousie vous mord le cœur.

Pascal Ide, avec Luc Adrian

Les sept péchés capitaux (7/8) : la colère

http://www.famillechretienne.fr/foi-chretienne/theologie/les-sept-peches-capitaux-206145/les-sept-peches-capitaux-7-8-la-colere-206153

ARTICLE | 18/08/2001 | Numéro 1231 | Par Pascal Ide, avec Luc Adrian

 

Les anciens la surnommaient «courte folie». Qu'elle soit noire ou blanche, la colère détruit. Mais est-elle vraiment un péché, cette agressivité qui surgit en nous, malgré nous ?

Attention, ça va péter. On la sent monter en soi comme une lave, la colère. Un bouillonnement de volcan, la violence d'un ouragan. On ne peut s'en saisir, c'est elle qui nous saisit. Venu comme Alien des profondeurs, cette force noire, aveugle et brutale, explose en nous et nous défigure. La colère peut aussi être blanche, rancœur qui rampe et ronge le cœur. Noire ou blanche, la colère consume et détruit. La première colère d'un homme est celle d'Adam qui accuse son Créateur et veut faire porter le chapeau à sa femme (Gn 3, 12). La seconde est celle de Caïn, jaloux de ne pas avoir été béni et aimé comme son frère. Elle tue Abel, et ne cesse de tuer depuis.

 

Colères enfantines : faire face

ARTICLE | 26/08/2000 | Numéro 1180 | Par Pascale Albier

http://www.famillechretienne.fr/contenu/archives/archive/coleres-enfantines-faire-face-34239

Explosions de rage, trépignements, bagarres... les colères des petits laissent souvent perplexes et désarmés. Pourtant, la colère est plutôt un signe de bonne santé tant qu’elle reste sous contrôle. À nous, parents, de savoir l’identifier et lui faire face sereinement ; à nous, également, de guider nos enfants vers plus de maîtrise et de maturité. La colère ? Une affaire de famille !

« Non, je ne veux pas m’habiller ! » Pierre trépigne et fait valser à travers sa chambre chemise et pantalon. Après un bon quart d’heure, l’orage se calme subitement, notre colérique s’habille en un rien de temps et rejoint la tablée familiale. Clin d’œil complice d’Agnès : « Ces belles colères sont devenues une habitude depuis que Pierre a 3 ans. Je laisse passer la tempête ».

Tout parent est confronté plus ou moins régulièrement à ces coups d’éclat enfantins. Rien de plus normal, la colère est un signe de bonne santé. « Une réaction naturelle et saine devant la frustration, au service de l’identité », affirme Isabelle Filliozat, psychothérapeute et auteur de Au cœur des émotions de l’enfant.

On confond trop souvent colère et violence. La violence est destructrice, elle éclate quand la colère devient incontrôlable ; la colère, elle, est constructive et affirmation de soi face à l’autre. Florent, 18 mois, se jette par terre parce que sa mère lui refuse un bonbon ? C’est sa manière à lui d’exprimer sa frustration. Un enfant plus grand réagira différemment – à chaque âge sa colère. « Chez le tout-petit, explique Annik Cann, enseignante et directrice de classes maternelles, on est surtout confronté à la colère-chagrin de l’enfant que sa mère laisse à l’école le matin, et à la colère-caprice pour s’approprier le jouet du voisin. »
Crise des 3 ans où la personnalité s’affirme ; cap de la lecture où l’enfant raisonne et sait exprimer ses sentiments : l’enfance est rythmée par des étapes. Avec pour chacune un type de colère différent. « La découverte de la lecture est un moment charnière : l’enfant met sa colère en mots, il sait la formuler », rappelle Victoire, mère de cinq enfants. Dont l’aînée, Félicité, 8 ans, a un caractère bien trempé : « Quand notre colérique pique une crise, s’amuse sa mère, elle s’enferme dans sa chambre et hurle toute seule en rejouant la scène ! »

 

Des remèdes contre la colère

http://Des remèdes contre la colère ARTICLE | 18/08/2001 | Numéro 1231

ARTICLE | 18/08/2001 | Numéro 1231

 

-Prendre du recul... «Eloignez-vous autant que possible, à l'instant même, de l'objet qui excite votre colère. Gardez un profond silence aussi longtemps que dure l'accès», conseillait le Curé d'Ars. Plutôt que de taper sur votre enfant qui vous pousse à bout avec sa leçon de math, allez prendre l'air !- ... mais ne pas fuir. On croit régler la colère en évitant la personne qui nous a blessé. S'il n'y a pas eu d'explication et de pardon, le conflit demeure latent.
On ne fait que refouler la souffrance intérieure, mais elle ressurgira à la première occasion. Surtout, on fuit une occasion offerte par Dieu de grandir dans la charité et l'humilité.

Les sept péchés capitaux (8/8) : la paresse

http://www.famillechretienne.fr/foi-chretienne/theologie/les-sept-peches-capitaux-206145/les-sept-peches-capitaux-8-8-la-paresse-206147

ARTICLE | 25/08/2001 | Numéro 1232 | Par Pascal Ide, avec Luc Adrian

 

On l'appelle «paresse», mais en réalité le septième péché capital est bien plus grave que ce banal défaut. Ce vice au nom mystérieux - l'acédie - engendre une paralysie de l'âme. Danger mortel.

 

La «tristitia de bono divino» n'est pas un bon petit vin des treilles de la Péninsule, mais le septième péché capital, et pas le moins vicieux. Un nom bizarre pour un mal mystérieux : l'acédie.

La «tristesse du bien divin» avance masquée : elle s'est glissée dans la peau de la paresse comme une vipère déguisée en couleuvre. Sa morsure est indolore. Mais son venin peut être mortel, car il paralyse l'âme dans son élan vers Dieu, insensiblement. Cet assoupissement intérieur est le péché des disciples du Christ à Gethsémani. Et le nôtre, bien souvent.

L'acédie figure dans la première liste des péchés capitaux, établie par Evagre le Pontique, à la fin du IVe siècle. Pas la paresse. Les Anciens la surnommaient «démon de midi» (1), car cette «tentation du milieu du jour», cette anorexie spirituelle, ce dégoût des choses de Dieu, cette envie d'aller voir ailleurs, pointait surtout à l'heure du midi de la vie.

C'est à la Renaissance qu'elle disparaît du septénaire des péchés capitaux, au profit de la paresse. Cet enlèvement est l'une des désinformations les plus réussies des derniers siècles. Même le récent Catéchisme de l'Eglise catholique en pâtit, qui présente comme ultime péché capital : «la paresse ou acédie». Il est urgent de distinguer les deux. La seconde est, de loin, plus grave que la première.

Ce poison mine l'Espérance et la Charité. Ce n'est pas un hasard si cette série s'est ouverte sur l'orgueil et se clôt sur l'acédie. Ce sont les vices capitaux les plus «antithéologaux». «Acédie», comme «acide» : elle ronge la Charité, et rompt la communion avec Dieu, qui est l'effet propre de cette vertu théologale. Il en résulte une chute de tension de l'Amour dans l'âme.

Si la jalousie est une tristesse qui ne supporte pas le bien d'autrui (FC n° 1230), l'acédie est une tristesse qui ne supporte plus le Bien qu'est Dieu. Ce virus sécrète un manque de goût pour le face à face de la prière. «Quand nous prions, l'acédie nous rappelle quelque affaire indispensable», explique saint Jean Climaque. Quelle mère de famille ne s'est jamais souvenue, au moment précis où elle s'agenouille enfin devant l'icône pour prier, d'un coup de téléphone urgent à donner ? Marthe Robin osait dire qu'entre la messe en semaine et un temps d'oraison solitaire, il valait mieux choisir l'oraison : la messe peut camoufler l'acédie.

L'acédique ignore son mal. Pour quatre raisons. La première, c'est qu'il justifie son instabilité, son activisme. Et il se trouve toujours de bonnes excuses pour fuir l'oraison : «Je n'ai pas besoin de prier, je travaille en présence de Dieu, Il est à mes côtés», ou «Je prie au volant de ma voiture», etc. Que répondrait une fiancée à qui son amoureux dirait : «Je t'aime, tu sais, je pense souvent à toi dans mon travail, ou en voiture, mais je n'ai pas le temps de t'appeler et de passer te voir» ?

Autre argument acédique bien connu des Pères du désert : «Ne vaut-il pas mieux se dépenser à des bonnes œuvres que de demeurer inutilement dans sa cellule ?» Combien de découragements, de tristesses profondes, sont la conséquence d'un activisme pastoral - et celui-ci la conséquence d'une acédie dépressive qui s'ignore ?

Deuxième raison : l'acédie s'installe peu à peu, et s'insinue presque à l'insu de la personne. «Décidément, il y a trop de choses à faire pendant les fiançailles : préparer le mariage, trouver un appartement, etc. Quand nous serons mariés, j'aurai le temps de prier tous les soirs.» Dix ans plus tard : «Décidément, je ne pensais pas que c'était si fatigant d'élever des enfants. Quand ils seront grands, j'aurai le temps de prier tous les soirs». Dix ans plus tard : «Décidément, cette vie professionnelle est accaparante. Quand nous serons à la retraite, j'aurai enfin le temps de prier tous les soirs». Nous nous abusons nous-mêmes. Nous oublions au fur et à mesure nos semi-résolutions et camouflons notre mollesse intérieure derrière un paravent de bon sens.

L'acédique vaque. Il ne tient pas en place. Il bouge pour tromper l'ennui. Et pour se fuir lui-même. Le moine veut quitter son monastère, et le prêtre partir en mission ; le cadre change d'entreprise tous les trois ans ; le conjoint trouve soudain toutes les femmes jolies, sauf la sienne ; etc. L'acédique catho est un adepte du «spi» zapping : il change de paroisse, de confesseur, de groupe de prière...

L'acédique se disperse, s'éparpille. Cet inconstant peut faire de multiples choses importantes, mais il oublie ce qui lui est demandé ici et maintenant : son devoir d'état. En ce sens, il est paresseux. Il cherche de multiples compensations à son vide intérieur. Les plus accessibles plaisirs "pare-angoisses" étant ceux de la table et de l'écran, on retrouve souvent l'acédique affalé devant la télévision, se goinfrant de cacahuètes.

L'acédie est également difficile à débusquer - troisième raison -, car elle se greffe de manière privilégiée sur certaines blessures (lire encadré «Le dégoût de l'action»)

Enfin, le monde moderne porte à l'acédie. Pub télé. Une femme se prélasse dans un fauteuil pneumatique, sur une eau translucide, pendant qu'un hélicoptère dépose des cartons de victuailles au bord de la piscine. Ce spot de Cybermarché s'achève par cette chute d'airain : «Samedi prochain, ne faites pas les courses. Faites-vous ravitailler. Oui, c'est de la paresse. Et alors ?» La publicité déculpabilise les vices capitaux - paresse, gourmandise, jalousie, etc. Et pour cause : ce sont les plus grands pourvoyeurs de consommation. L'air du temps est acédique : il est paradoxalement hyperactif mais il incite à la paresse. Il pousse à faire ce qui plaît, à maximiser le plaisir en le variant.

Tout, tout de suite, et toujours plus vite. L'impatience contemporaine est une forme d'acédie. L'adolescent s'étonne de ne pas sauter 1,50 mètre après une semaine d'entraînement, ni de jouer le final de la Sonate au clair de lune après un an de piano. Des publicités promettent l'apprentissage de l'espagnol en trois semaines. Résultat, la confession - humoristique - de Woody Allen, utilisateur des méthodes de lecture rapide : «J'ai lu tout Guerre et paix en vingt minutes : ça parle de la Russie !»

Ce monde acédique distille le dégoût de Dieu pour une autre raison, explique le cardinal Ratzinger dans une pénétrante analyse de notre société (Regarder le Christ, Fayard, 1992) : l'homme d'aujourd'hui - l'Occidental surtout - ne croit plus à l'immensité et à la beauté de sa vocation divine. Il «ne veut pas croire que Dieu s'occupe de lui, le connaît, l'aime, le regarde, soit à côté de lui». Plus encore, le démon de l'acédie instille à notre époque une «curieuse haine de l'homme contre sa propre grandeur», poursuit le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi. Une révolte intime et profonde. Au point qu'il en vient à se croire "de trop". Il s'imagine trouble-fête, créature manquée, marquée par le néant. «Sa délivrance et celle du monde consisterait donc à se dissoudre lui-même.» L'acédie sécrète une culture de mort.

Elle est ainsi le vice ultime, car sa première fille est le désespoir. Or, une âme qui désespère ne s'appuie plus sur Dieu. Elle ne croit plus le Salut possible, elle doute de la miséricorde. C'est pourquoi, note Evagre le Pontique, «ce démon n'est suivi d'aucun autre : un état paisible et une joie ineffable lui succèdent dans l'âme après la lutte».

Et c'est afin que vous ne désespériez pas, amis lecteurs, que nous vous avons proposé cette série d'été, qui prend fin ici. Si vous l'avez lue de bout en bout, vous aurez absorbé quelque cent quatre-vingt mille signes dactylographiques sur le péché...

Ces articles vous auront-ils permis de faire un peu de lumière en vous, un peu de ménage aussi, et de prendre de fructueuses résolutions pour l'année à venir sous le signe de la miséricorde et de la confiance ? Nous vous le souhaitons. «Là où le péché abonde, la grâce surabonde», assure saint Paul.

Vous en doutez ? Voici l'histoire de la fin qui vous livre le fin mot de l'histoire.

Une petite dame, dans un village, a des apparitions de Dieu. Pour s'assurer de leur authenticité, son curé la convoque et lui dit : «La prochaine fois que Dieu vous apparaît, demandez-Lui de vous révéler mes péchés ; je suis le seul à les connaître. Ce sera la preuve».

Un mois plus tard, la petite dame revient au presbytère et le prêtre lui demande : «Dieu vous est-Il encore apparu ? - Oui, répond-elle. - Et vous Lui avez fait ma demande ? - Oui, je l'ai faite? - Et que vous a-t-Il dit ? - Il m'a répondu : "Dis au prêtre que ses péchés, je les ai oubliés".»

Pascal Ide, avec Luc Adrian

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