"Souffrir par l'Église et pour l'Église"
Pourquoi prier avec l’Eglise ?
L e Pape nous confie une mission : prier pour les défis propres à notre humanité dans lesquels l'Eglise est
engagée. La communauté chrétienne, à travers le monde, est au service d'un monde nouveau, un monde qui est en train de naître dans les douleurs de l'enfantement, sous l'action de
l'Esprit du Seigneur « qui poursuit son œuvre dans le monde et achève toute sanctification ». Le Saint-Père considère cette prière comme un vrai soutien pour la mission de l'Eglise.
"Souffrir pour l'Église et par l'Eglise"
« Tout amour véritable doit sans doute passer par l'épreuve. Cela vaut tout autant de notre relation personnelle à l'Eglise du Christ que de nos relations humaines. Il est clair qu'alors nous découvrons ce que parfois nous avions ignoré ou voulu ignorer : l'Eglise est pareille à une personne, elle vit, elle s'affirme, elle agit, elle lutte, elle souffre et il peut nous arriver d'avoir à souffrir avec elle, et même pour elle, et parfois aussi par elle.
Que l'on ne s'attende pas alors à des indications ou à de petites histoires ! Chacun a le droit de garder ses secrets et de taire ses souffrances intimes. Mais l'essentiel n'est pas de révéler les noms de ceux qui nous auraient fait du mal ou nous auraient scandalisés. L'essentiel, qui est invisible aux yeux, mais qui peut être très sensible à nos consciences et à nos cœurs, c'est que les épreuves qui nous adviennent par l'Eglise nous obligent à vérifier ce que la théologie affirme de manière apparemment neutre : l'Eglise est inséparable de Jésus-Christ, sa vie et son histoire ne peuvent pas ne pas porter les marques de son Incarnation et surtout de sa Passion et de sa Pâque. C'est cette solidarité vécue avec le Christ qui se réalise alors au-dedans de nous-mêmes, dans la mesure où nous faisons corps avec le Corps du Christ et où ses blessures et ses luttes à Lui s'inscrivent en nous, comme l'apôtre Paul savait si fortement le dire aux premières communautés chrétiennes.
Vivre ainsi, de l'intérieur, le mystère de l'Eglise, c'est être appelé à comprendre à quel point le mystère du mal est comme révélé dans toute sa violence à travers le mystère du Christ, de Jésus trahi, renié, abandonné par les siens et livré sans défense à une monstrueuse coalition où se mêlent la haine, le mépris, la peur et les compromissions de toutes sortes.
L'agonie et la Passion du Christ ne peuvent pas ne pas marquer la vie et l'histoire de l'Eglise si l'Eglise est réellement, et non abstraitement, le Corps du Christ. Alors il ne s'agit pas seulement de dénoncer des prélats corrompus, des hommes d'Eglise qui mettent le souci de leur carrière au-dessus de leurs responsabilités pastorales, des confusions monstrueuses entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique. Il s'agit de comprendre que la puissance du mensonge, de la calomnie et du mépris, s'attaque à ce qu'il y a de plus saint non seulement dans telle ou telle personne particulière, mais dans cet ensemble vivant que constitue le Corps du Christ (...).
Chacun de nous, qui sommes investis du ministère apostolique, peut être amené à connaître une telle souffrance et à vivre une telle passion. Dieu seul en est alors témoin. (...) Mais la vie de l'Eglise passe aussi par là et nous n'apprenons à aimer l'Eglise, à lui être intégralement attachés, que dans la mesure même où nous consentons à souffrir pour elle, même si nous ne nous résignons jamais à souffrir par elle et par ce qu'il y a en elle de complicité avec le ‘mystère d'iniquité' »
Monseigneur Claude Dagens
"Méditation sur l'Eglise catholique en France : libre et présente"
Editions du Cerf 2008 - pp.17-19